[1755 Post Odyssée] Le prix du Sang

Simple spectateur d’une scène qui ne me concernait en rien, je restais de marbre devant l’échange entre les différents protagonistes du monde sous-marin. Taquine, puis sérieuse, en écho à mon propre comportement, Mary n’eut pas le temps de m’entrainer dans son sillage. Le nouveau venu l’intercepta et son attitude envers mon amie déclencha mon ire intérieure. Toutefois, ma raison garda le pas sur ma passion, et je me tins silencieux face à leur duel verbal. Outre mon statut d’émissaire et l’importance cruciale de ma mission, je savais que Mary Red n’avait pas besoin de mon soutien pour se défaire de pareille situation. Un étrange individu fit son apparition avant d’être propulsé dans une autre dimension par le général des mers véhément. Que voilà une capacité intéressante. En d’autres circonstances, j’aurais été ravi de me confronter à cet homme. Mais ce n’était ni le moment, ni l’endroit pour un tel défi. Presque malgré moi, j’écoutais les paroles des uns et des autres. La mention du nom de la sœur de Mary attira mon attention. Ainsi donc, ce marina non seulement la connaissait, mais semblait intimement lié à elle. Une histoire de famille, dont j’étais bien malgré moi juge silencieux. Tout à son émoi, le général des mers semblait prêt à octroyer à mon amie le titre de représentante de Poséidon, à condition qu’elle réponde à ses questions. Je ne pouvais que prier en silence pour que la fougueuse sirène lui donne satisfaction. Toutefois, quelques soient les enjeux internes, je ne pouvais faire oublier trop longtemps ma présence, et la raison de ma visite. D’un ton parfaitement neutre, qui je l’espérais ne reflétait pas mon agacement, j’apostrophais le confrère de Mary.

Je suis persuadé que vous aurez tout le loisir de régler cette épineuse situation lorsque le calme sera revenu en votre royaume. L’émoi des sentiments n’est pas toujours le meilleur des conseillers. En outre, je pense pouvoir affirmer sans craindre de me fourvoyer, que vous n’avez aucune envie d’exposer vos griefs ou vos questions personnelles devant le parfait étranger que je suis. A moins que vous ne contestiez réellement le statut de représentante de Poséidon de la générale de la sirène maléfique, je souhaiterais m’entretenir avec elle dès à présent, dans l’intérêt de nos deux factions. Bien entendu, je n’aurais aucune objection à ce que vous assistiez à notre échange, si le cœur vous en dit.

Je pouvais d'avance prédire que ma dernière phrase ne serait pas au gout de Mary, mais mettre de coté le nouveau venu ne serait bénéfique ni à mon amie, ni à mes visées. L’égo d’une âme tourmentée pouvait s’avérer la graine d’une plante vénéneuse susceptible de corrompre tout un pan de terre fertile. Le marina n'avait pas daigner se présenter à moi et s'évertuer maintenant à m'ignorer. Je ne comptais pas relever l'injure mais, il était hors de question de faire le dos rond pour autant. Bref, je devais manier le fouet et la carotte, faute de mieux.

Un jeu ?

« Lâches-moi ... » susurrais-je en serrant le poing. Emprisonnée entre les griffes du Dragon des Mers, celui-ci ne se rendait même pas compte de la force qu'il employait. Il me faisait mal. Non, la douleur était ailleurs. « Je t'ai dis de me lâcher ! »

J'explosais, crachant mon venin en le regardant d'un œil inquisiteur. Finalement, faute de réaction je me dégageais de son étreinte pour faire quelques pas en arrière, comme si, instinctivement j'espérais que cette distance entre nous serait mon échappatoire. Illusions. La tête basse la mâchoire crispée à l'extrême je me contenais tant bien que mal. Cela ne pourrait pas échapper aux deux autres que j'étais en prise à de léger tremblements. Ma respiration sifflante se calma peu à peu à mesure que les mots d'Arbhaal me parvenaient aux oreilles. J'entrevoyais, par cette manœuvre, que le Spectre essayait de m'aider, de me tirer de ce mauvais pas.

Mes cheveux de feu formaient autour de mon visage un rideau écarlate. Ainsi dissimulée, je restais un moment dans cette posture, immobile, cherchant à reprendre un visage plus serein. Cependant je ne le pouvais tout simplement pas. Vivement je m'approchais d'Haiken pour me planter en face de lui, me retenant de lui administrer une gifle dont il se souviendrait longtemps, et par égard pour ma sœur je ne fis que lever un regard plein de tristesse et d'agressivité mêlés.

« Ce n'est pas un jeu ! » hurlais-je à son oreille en relevant la tête, chassant d'une main, quelques mèches qui recouvraient mon œil blessé. « J'ai eu de la chance en récoltant qu'une énième balafre ! Mais j'en ai rien à foutre de moi. Il n'y a que ma sœur … »

Qui compte voulais-je ajouter avant qu'un sanglot ne scelle ma gorge à jamais. Si j'avais des larmes à verser encore, sans doute aurais-je éclaté en sanglots en cet instant. Ce n'était ni l'endroit ni le moment. Une soudaine faiblesse me prit et je dus fermer les yeux pour continuer.

« Magnus est un Asgardien, un vieil ami à moi, il m'a aidé, il m'a aidé … Si tu veux partir, pars, je ne te retiendrais pas, approches, je vais te dire où elle est. »

L'attrapant par le col, je lui glissais les informations qu'il espérait tant avant de le relâcher en le repoussant légèrement. Comme si j'étais de mauvaise humeur, j'adoptais cette posture qui n'augurait rien de bon. Mon équipage était à l'affût de la moindre de mes mimiques et bien que familier à mes changements d'humeurs, ces deux là pourraient aisément interpréter mes poings sur mes hanches par du mécontentement. Ceux qui me connaissaient bien en revanche … savaient que je cachais quelque chose de bien plus ardent que ça.

« Bon, fermez tous vos gueules. Haiken, casses toi. » Mes yeux disaient : Retrouves ma sœur. « Seigneur de la Wyvern, si vous voulez bien me suivre, on a assez perdu de temps. »

Mes yeux criaient : Je n'ai plus beaucoup de temps.

Comme on pouvait s'y attendre, Mary n'était pas le genre de femme à se laisse attraper docilement par le bras sans émettre la moindre once de résistance. Même si elle savait pertinemment que le Dragon des Mers ne lui laisserait pas le loisir de lui refuser les informations qu'il exigeait, il était de son devoir de maintenir la réputation de pirate intrépide qu'elle et sa sœur s'étaient construit au fil des années.

Cela n’impressionnerait pas Haiken pour autant. Il connaissait Ann au moins aussi bien que sa sœur jumelle, et il connaissait le fond de leur personnalité. Elles n'étaient pas aussi terrifiantes qu'elles voulaient bien laisser le croire. Malgré leur passé difficile, il est vrai que les sœurs Red prenait un malin plaisir à se venger des hommes, mais possédaient, comme toute femme, des faiblesses qui, une fois dépassé la première barrière, facile à utiliser.

Mary se libérait finalement de l'emprise du Général. C'est le moment que le Juge de la Wyvern trouva opportun pour intervenir à son tour. Comme si Haiken n'avait déjà pas suffisamment de problèmes à gérer pour l'instant. Mais l'atlante n'avait pas l'intention de le laisser se mêler à ce qui ne lui regardait pas. S'il était venu jusqu'ici c'est qu'il avait besoin des Marinas, et non l'inverse!

- Ne te mêles pas de ça Juge d'Hadès! Ce que tu as à dire à Mary ou qu'elle se prétende la représentante de Poséidon m'importe peu! Mais elle n'ira nulle part tant qu'elle ne m'aura pas répondu!

Haiken n'allait rien lâcher et si jamais le Juge de la Wyvern décidait d'intervenir plus qu'il ne lui serait permis, Haiken était prêt à en venir aux poings pour lui faire comprendre à quel point il était de trop actuellement! Cependant, et malgré la réticence initiale la Sirène Maléfique, elle se décida finalement à lui dévoiler ce qu'il désirait tant savoir.

Ainsi donc, Ann était à Asgard, et un dénommé Magnus, un nom qui n'était pas étranger au Dragon des Mers, la gardait quelque part. Fort bien! Il était donc temps d'aller à sa rencontre et de récupérer le corps de la Sirène des Récifs. Haiken ferait tout ce qui était en son pouvoir pour la réveiller de son coma.

- Bon, fermez tous vos gueules. Haiken, casses toi.

Les yeux de Mary semblait pourtant lui supplier de retrouver sa sœur. Ceux de Haiken lui laissait comprendre que rien ne pourrait l'en empêcher. Il tourna le dos à la jeune femme et passa tout près du Spectre, non sans le bousculer légèrement. Cependant, le Dragon des Mers ne se tourna même pas. Il disparut soudainement, au même moment où Jack O'Bannon se libérait finalement du Triangle des Bermudes. Sa prochaine destination était ainsi les terres du Grand Nord!

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