Récupération


________________ ~~ °° Rancoeur de l'oubli °° ~~ ________________


Un souffle léger s'invita dans le temple des envieux, doux et apaisant, nimbé des couleurs chaudes de l'automne. Posant délicatement la pointe de son pied sur le marbre noir des dernières marches du temple, Caeron se demandait si le Dragon se portait bien. Il avait été rassuré de voir que ce chevalier avait été fidèle à ses valeurs et cela le réconfortait sur la valeur humaine, un remord ? Non, juste la libre appréciation d'un spectre sur les bons et les mauvais côtés de l'Humanité, sauf que ces derniers prenaient lentement le pas sur l'autre versant de l'âme humaine, de façon inexorable. Cela devenait évident qu'Athéna choisissait de jeunes éphèbes pour leur nature naïve et leur vision angélique de leur Monde. Ils étaient des pierres brutes qui n'aimaient que la douce quiétude de la paix alors que l'Humain aspirait à toujours en avoir plus. Cette appréciation avait été la cause de bien des tourments et Caeron acceptait désormais cette vérité comme elle l'était.


" Chevalier, continues ton chemin, nous t'attendrons tranquillement au moment de ton trépas, la marque de l'automne est maintenant sur ton corps... "

Il sentait encore les crocs du Dragon sur sa surplis et il garderait cette marque le temps de cette guerre. Cependant, de façon lente et insidieuse, l'étoile du commandement s'ouvrait comme une fleur devant une étoile encore plus brillante. Dame Perséphone avait réduit à néant son passé incertain pour lui permettre de faire le seul choix possible. Un sourire sarcastique aux lèvres, il ressentit des cosmos se rapprochant en masse de son territoire, il connaissait sa mission et se devait de la suivre, il devait arrêter cette personne au plus vite pour le bien de sa tâche. L'orbe de l'Automne lui avait transmis les ordres de sa créatrice et il devait admettre que lever un tel sceau était dangereux mais les serviteurs d'Athéna ne se rendaient pas encore compte du danger qui était en train de naître sous le sceau zodiacal qui brillait dans le ciel nocturne des Enfers.

Il se laissa alors commander par le vent pour s'engouffrer dans le chemin qui menait au champ de fleurs. Il sentait que la corruption des essences des Saints se propageaient anormalement trop vite dans le sanctuaire d'Hadès et il n'allait pas permettre que l'on se rapproche ainsi de son corps mille fois sacré. Il ferma le poing pour laisser les feuilles embrunies de l'automne sur son passage. Il marqua la fin du territoire de quelques marques sur le sol pour limiter la progression des Saints mais il savait que cela ne serait que quelques minutes de gagner. C'était déjà cela de gagner. Péniblement, il ressentait que son adversaire était proche, en compagnie de deux cosmos qu'il connaissait parfaitement. L'heure des retrouvailles n'était pas pour tout de suite, la minute de la vengeance attendrait un peu, la seconde de la délivrance approchait. Trois bruits sourds qui annonçaient un nouveau spectacle pour les Saints !

Il continuait à avancer pour rejoindre sa proie... la septième heure serait son destin !


Quatrième prison

→ Les Fleurs du Mal.

La mort aurait dû être délivrance, mais Celsius n'en tirait aucun soulagement. Pire encore, il désespérait de se sentir si impuissant. Privé de son corps, âme désincarnée, il errait sans but aux confins des Enfers. Indéniablement, il se sentait plus libre, plus léger. Mais les chaînes du devoir lui rappelaient inexorablement qu'il avait failli à sa tâche, car il avait succombé à la première difficulté. Or, l'ordre implicite d'Athéna était de rester envie, et il n'avait pu subvenir à ce besoin. Certes, il avait eu raison du Griffon, mais celui-ci s'était déjà vu insuffler une nouvelle vie. Il enrageait de ne pouvoir continuer le combat, fût-ce contre ce même adversaire et pour connaître une issue semblable. Tout Spectre qu'il soit, il ne pouvait être ramené à la vie indéfiniment, et viendrait un temps où même son âme tomberait en morceaux.

Aussi, Celsius s'arrogeait le droit d'être celui qui la briserait.

Car à présent, il en faisait une affaire personnelle. Après ce duel dantesque l'ayant opposé au Juge des Enfers, il s'y sentait intimement lié, et avait juré d'en faire son ennemi mortel. Une relation qui avait débuté sur les chapeaux de roues à en croire le résultat de cette confrontation. Mais là où Minos avait bénéficié d'une seconde chance, lui était réduit à l'état de fantôme, et qu'il puisse conserver sa forme physique tenait déjà du miracle. Le fait qu'il ait conservé sa volonté propre devait être dû à l'agitation régnant aux Enfers en ce moment. Sans cela, sa conscience aurait été brisée et on l'aurait fait marcher vers le puits des morts comme tant d'autres avant lui. Peut-être devait-il y voir un signe du destin. Une forme indistincte, puis de plus en plus précise se présenta devant Signun. Lui seul pouvait voir cette manifestation, sans nul doute à cause de l'étrange lien qui unissait les Gold Saints...

Ce n'est pas encore fini. avait-il aussitôt répondu.

C'est la conclusion à laquelle il en était arrivé, et qu'il n'avait pu s'empêcher de formuler à voix haute. Si feutrés soient ses pas fantomatiques, ils l'avaient ramené sur le chemin qui devait le mener à la prison suivante. Mu par la force de son cosmos, sans aucun doute, à moins que ce ne soit celle de sa dévotion qui continue de le soutenir. Son âme était intacte et son esprit combatif ne s'était pas atténué dans la mort. Faire face à Minos avait été riche en enseignements. Il avait pu constater à quel point sa technique était imparfaite, et à quel point lui-même était incomplet. Néanmoins, il avait fait jeu égal avec un être plusieurs fois millénaires, et pour cela il pouvait être fier. Mais à ses yeux, ce n'était pas suffisant. Quel que soit son âge, son antagoniste était un ennemi d'Athéna et en tant que tel, condamné à mort par la justice de cette même divinité. Il aurait dû être à la hauteur et pouvoir le vaincre sans succomber lui-même à ses blessures.

Si par bonheur il avait un jour le droit de s'y essayer à nouveau, il ne commettrait pas les mêmes erreurs. Il n'avait fait qu'appliquer à la lettre les leçons acquises en y ajoutant une humble touche personnelle, mais ce n'était pas ainsi que cela devait se passer. Car comme le Juge le lui avait dit lui-même, ce n'était pas en se contentant d'imiter qu'il resterait dans les mémoires. Il devait s'approprier la fierté des Poissons, la faire sienne et l'adapter à son propre style. Ces techniques ne devaient pas se perdre mais il ne pouvait pas non plus recracher ses leçons à la manière d'un manuel du parfait Gold Saint des Poissons. Le plus important n'était pas de reprendre dans les moindres détails chacune de ces attaques qui étaient entrées dans la légende mais de les comprendre, de mémoriser ce qui les rendait aussi puissante et de les élever à un plus haut niveau.

Ce n'est pas en empruntant ce qui avait été créé par autrui qu'il porterait sa force à son plus haut niveau mais en les développant au point qu'elles lui soient propres, qu'elles deviennent son empreinte, sa signature plutôt que celle de n'importe quelle Chevalier des Poissons. Et même outre ses attaques, il avait manqué de rigueur et de prudence dans sa manière de se battre et devrait pallier à ces inconvénients si, et seulement si, le destin avait la bonté de le renvoyer sur le sentier de la guerre. On aurait été en droit de se demander ce qu'un homme aussi doux que Celsius pouvait y faire, mais il avait à présent la certitude qu'il était de se devoir d'y retourner. Lors de ce bras de fer avec Minos, il avait ressenti l'univers le traverser, il avait été en osmose avec l'infini là où d'ordinaire il n'était qu'une unité. La voix d'Athéna résonnait à travers lui et lui donnait la force de poursuivre le combat, de voler toujours plus haut même s'il devait s'y brûler les ailes.

Continue sans moi.

Sa cape, aussi spectrale que son corps au grand complet, s'agita au gré d'un vent imaginaire avant que sa silhouette illusoire ne s'évapore, vidée de ce dernier zeste d'énergie. Nul doute que son âme continuerait de poser sur ses frères d'armes un oeil bienveillant en attendant le jour où elle pourrait à nouveau investir ce corps dont elle était été expulsée, où elle reviendrait d'entre les morts et jurerait à nouveau allégeance. Il poursuivait son existence dans l'étroit espace entre la vie et la mort et n'oubliait pas ce qui lui avait permis d'aller aussi loin, ce sentiment qui lui avait donné force et courage. La sagesse acquise dans son dernier souffle serait mûrement réfléchie, et s'il pouvait revenir parmi les vivants, ce serait plus fort que jamais. Patience... Chaque chose en son temps. Et il avait tout le sien désormais. Nul doute que cette denrée rare serait mise à profit et que Minos regretterait de lui avoir donné ce létal répit.

Celsius n'avait pas dit son dernier mot.

Changement de kit d'attaque.

Aukoti sentit plus qu'il ne vit la personne qui le suivait s'approcher. Au final, il s'avéra qu'il ne s'agissait nullement de Sköll qui, pourtant, aurait dû à l'heure actuelle le talonner comme un diable. Il s'agissait de Leene, qu'il avait sentit un peu plus tôt pénétrer à leur suite dans les Enfers par le portail qu'il avait créé. Plusieurs questions avaient été laissées en suspension lors de leur dernière rencontre, et d'autres s'étaient ajoutés à la liste entre temps, en particulier en raison de son rapide revirement. Pourquoi les avoir suivis alors qu'elle s'était fixé un autre objectif.

Se retournant pour lui faire face, Aukoti posa ses yeux ambrés sur elle, inquisiteurs. Ils ne s'était quitté que depuis quelques heures, tout au plus. Ce n'était pas assez pour qu'ils fêtent leurs retrouvailles. De toute manière, ce n'était pas le genre de l'Alpha, qui n'était pas tout à fait le genre émotif. Avant qu'il puisse la saluer ou lui poser la moindre question, Hrimfaxi se chargea de l'informer de presque tout ce qu'il voulait savoir sans même qu'il le lui demande. Cependant, plus que le fait que le Requin se soit échappé, c'était les paroles elle-même de Leene qui l'affectèrent le plus. Alors qu'elle parlait, ses yeux s'élargirent comme sous l'effet de la surprise. Ses sourcils se haussèrent, et dans l'incompréhension la plus totale, il parvint à placer quelques mots.


« Euh... Tu voulais... Que je le mange? »

Pour le coup, Aukoti ne saisit pas où voulait en venir Leene. Instinctivement, sa tête se pencha sur le côté, et quelque part au fond de lui, un sentiment de déjà-vu s'installa. Il avait l'impression d'avoir déjà fait ce même geste, dans une situation similaire... Mais aucun souvenir ne lui revenait en mémoire. Il avait pourtant l'impression que c'était important. Qu'il aurait dû savoir de quoi il en retournait, mais que ce n'était pas le cas... Avait-il manqué quelque chose?

Leene le tira de l'absence dans laquelle il avait plongé sans s'en rendre compte. Figé un instant, le Dragon Noir se débloqua. La question qu'elle lui posa fut quelque peu gênante. Au fond de lui, Aukoti avait certainement souhaité qu'elle oublie ce regrettable incident. Sa lèvre se pinça un instant, signe du tiraillement qui le saisissait. L'Alpha ne voulait pas parler à qui que ce soit de ses problèmes de contrôle, mais d'un autre côté il ne souhaitait pas non plus mentir ou repousser Leene, aussi étrange que cela puisse paraitre. Finalement, le Guerrier Divin fit se retourna pour tourner le dos à la jeune femme, ne lui offrant aucun moyen de déchiffrer l'émotion improbable qui s'était glissée sur son faciès. Sa voix s'éleva, trop tendue et sérieuse pour provenir d'un être véritablement calme et apaisé.


« Comme tu veux, Leene. Je vais t'expliquer tout en progressant, mais sache que je suis loin de posséder toutes les réponses que tu pourrais espérer... »

Sans rien ajouter de plus, Aukoti jeta un regard en arrière, vers Leene et, derrière elle, l'obscure sortie du Temple de la Seconde Prison. L'étrange éclat qui habitait l’œil de l'Alpha ne persista guère, et ce fut avec son habituelle maitrise de lui-même qu'il prit une impulsion pour s'élancer à toute allure sur la route qui menait aux prisons suivantes. Ils n'avaient déjà que trop trainé!

Champ de Fleurs

=> Première Prison.

À mesure que ses pas l'emportaient plus avant dans la gorge noire des Enfers, la Déesse de la Sagesse se sentait gagner par un sentiment étrange qu'elle n'arrivait pas à appréhender. La colère qui l'avait tantôt animée s'était volatilisée en un claquement de doigt. Comme si quelque chose ou quelqu'un avait soufflé sur la flamme d'une bougie. Éteinte. Oui, en cet instant où elle parvenait enfin en vue de la seconde prison, la déité se sentait gagnée par le Vide. Elle avait laissé derrière elle, son escorte et cheminait seule parmi les ténèbres les plus noires. Le sable voletait, des statues antiques semblèrent saluer son entrée en scène. Il y avait là une odeur de sang, si forte, si fraîche, qu'elle fit frissonner la Déesse de l'espoir. Tant de désolation. Des combats éprouvants avaient eu lieu ici bas, sous le regard de marbre des pharaons. La pierre par endroit fissurée, témoignait de ces luttes sans merci, de la virulence des combattants.

Du sang versé, de ces gouttes vermeilles répandues sur le sol... en avait résulter les fleurs de la Discorde. Éris, bien qu'absente sur ces champs de batailles, s'évertuait tout de même à bénir le Chaos et la Déchéance. Reposait non loin une silhouette recroquevillée. Ô vous, les Moires, quel tour avez-vous joué au Verseau? Voir son Chevalier perdu dans toute cette poussière fit ressurgir une voix familière.
Une fleur de lotus.
S'approchant avec douceur vers Kappa, Athéna s'agenouilla à ses côtés, passant une main bienfaisante et chaude sur le front glacé du Saint des Glaces. L'intimant à se réveiller tout à fait. Non loin, reposait des morceaux d'armure. Les yeux pers de la Vierge Déesse se plissèrent, reconnaissant à contrecœur, l'armure du Saint des Corbeaux.

Elle n'était pas étonnée. Pas plus que cela, elle qui avait put lire dans ses yeux sombres tant de doutes, de trouble et de rancœur. Il n'était pas mort, de cela, la Sagesse en était sûre, l'armure d'orichalque le lui murmurait. Elle pleurait le départ de son porteur, en un doux requiem. Que penser de sa désertion? Pouvait-elle sciemment lui en vouloir de ne pas croire en ses préceptes? S'il s'était détourné, c'était là pour maintes raison. Le cœur des hommes demeurait complexe, c'était cette complexité qui fascinait tant la Déesse protectrice des Hommes. Serafim avait choisit sa vie. Elle respecterait ses choix, mais serait sans doute châtié par ses pairs moins compréhensifs. Athéna perçut dans la main du Verseau, un éclat scintillant. Un bijou brisé.

Un soupir. Ô Destinées, quand cesserez-vous de découdre vos canevas? Ou les parer d'innombrables fils entrelacés pour former Tristesse et Désespoir?

«Kappa...» murmura t-elle en déployant une fois encore, son énergie cosmique. «Il te faut être fort chevalier, nous aurons tout le loisir de pleurer nos morts une fois que nous aurons mit un terme à cette folie.»

Quelle douleur! Quelle peine débordait de son être! Était-ce là les affres occasionnés par l'amour? Leurs écueils?
Mais oui, les paroles de Kappa lui revenant en mémoire, la Déesse jugea bon de ne pas se mêler de ce qui ne la regardait pas. Plus tard, elle aura tout le loisir d'en discuter avec lui, si il le désirait. Car n'était-elle pas la voix de la Sagesse? Peut-être ses paroles auraient-ils l'effet d'un baume?

«Armure d'argent des Corbeaux, ne te lamentes plus et envoles toi au delà du firmament... retrouver ta place.»

Derechef, les pièces de métal se reconstituèrent avant de filer dans ce faux ciel. Bientôt la constellation du Lion rugirait une dernière fois avant de s'éteindre.

Un lueur dans le lointain. La Déesse Freyja! Se redressant tout à fait, Athéna se retourna dans la direction de l'entrée des Enfers, un sourire accroché à ses lèvres. Une chouette d'or s'envola de ses paumes ouvertes, point lumineux dans la noirceur. ~Te voici Grande Dame du Nord! Œuvrons ensemble comme autrefois! Pourfendons le noir...~

Athéna laissa sa phrase en suspend, quelque chose clochait. De nouveau, ce Vide l'envahit.

Et une fleur de lotus immaculée naquit à ses pieds...