Les prémices du cauchemar

-> Temple du Lion / Kyro vs Ahina, tout ce que l'on peut perdre

~ Ahina... HA HA HA Ahina... quelle ironie ~

Ses paupières sont grandes ouvertes. Pourtant ses prunelles, d'un noir de jais qu'on ne lui connait pas, semblent éteintes, comme recouvertes d'un épais manteau opaque. Un voile à travers lequel elle ne distingue absolument rien si ce n'est un néant abyssal.

Une voix.

Loin, si loin... inaccessible. Elle l'entend vaguement, et encore n'en est-elle pas vraiment certaine. Tout ça est si loin... trop loin. Et elle est fatiguée, oui, si fatiguée. Pauvre Ahina qui a tout perdu de l'éclat du Scorpion, pour ne devenir qu'un vulgaire insecte à moitié écrasé sur le sol.
Faible. Pathétique.

Ce ne sera pas la douceur qui la sortira de sa torpeur. Ni l'amour, pas plus que les soins ou les bandages qui enserrent sa cage thoracique. Non... Ce qui ramènera la brune parmi ce que les imbéciles appellent les "vivants", car de vivant elle n'a plus grand chose, ce sera la haine.
La colère, la violence, la haine viscérale qui auréolent le cosmos du Verseau, seront sa porte de sortie de ce gouffre.

Ses paupières se froissent imperceptiblement alors que ses prunelles d'ébènes dévisagent les traits qui se distinguent au-dessus d'elle. Dans un premier temps, on dirait qu'elle ne comprend pas, ou peut être ne réalise pas ce qu'il est en train de se produire, ce qu'il a pu se passer.
Elle le toise très longuement d'un regard bien difficile à définir. Son visage est tellement inexpressif qu'on pourrait la penser psychologiquement morte.
Pourtant c'est son visage qu'elle regarde, ce visage qu'elle a tant aimé, à n'en pas douter.

Elle s'agite très légèrement alors que la paume de sa main se plaque sur le torse de Kappa. Elle le repousse. Doucement, sans la moindre force, comme une enfant tentant d'avoir le pas sur un mur de béton. Elle n'y parvient pas, mais l'intention est là : elle le rejette, ou du moins semble le rejeter.

"Ne... ne me touches... pas" Murmure-t-elle dans un souffle.

Le couperet tombe.

Plaquant son autre main sur le bras du chevalier, Ahina n'est plus en train de le repousser. C'est elle qu'elle repousse. Lourdement elle tente de s'éloigner d'elle même alors que l'image qu'elle renvoie n'est autre qu'un pauvre être ensanglanté se trainant sur le sol détruit du temple de Corell.
Pendant qu'elle rampe au ras des graviers, sa voix pâle et faible murmure quelques mots sans cesse, telle une sombre litanie qu'elle répète en boucle.

"Ne... t'approches pas... surtout ne... ne t'approches... pas"

Au bout de quelques centimètres, qui lui auront paru des kilomètres, elle fini par abandonner ou, peut être estime-t-elle qu'elle s'est assez éloignée.
Elle bascule sur le dos dans un grognement de douleur. Sa nuque repose contre une grosse pierre alors que ses prunelles noires dévisagent Kappa. Dans un premier temps elle semble interdite, comme paralysée. Puis bientôt... son corps s'agite de tremblements. Elle redresse le buste comme elle peut, arrive à se mettre à genoux par un miracle de la nature et porte son bras à son flanc pour lequel elle n'aura, malgré tout, pas le plus petit regard.

A ce moment elle ne semble rien voir d'autre que lui. Et la façon dont elle le dévisage est parfaitement effrayante.
Ses paupières s'écarquillent en une expression de pure terreur, alors que ses doigts tremblants s'élèvent vers ses lèvres entrouvertes. Tout son corps semble convulser alors que son regard sombre ne quitte le Verseau à aucun moment. Elle est complètement terrorisée. Une terreur absolue, une peur, un effroi, qu'elle n'a jamais ressentis de sa vie.

"Non... non... ce n'est.. ce n'est pas possible... non..."

Elle murmure entre ses doigts posés sur ses lèvres en une expression d'incrédulité totale. Puis... survient l'hystérie.
Elle se remet sur ses jambes d'un bond. Comme si elle ne sentait plus la douleur, comme si les bandages de Kappa dégoulinant de sang n'avaient aucune importance, comme si toutes ses côtes n'étaient pas brisées. Elle recule sans regarder où elle met les pieds, son regard ne lâchant pas Kappa comme s'il incarnait le diable en personne.
Les larmes dévalent ses joues salies par la poussière et le sang alors qu'elle se met à hurler d'une voix stridente.

"NON NON NON !!!! MERDE NOOOOON !!!!!"

Comment est-ce possible. Comment cela a-t-il pu se produire. Elle ne peut pas croire une chose pareille. Elle ne peut pas croire ce qu'elle ressent pourtant si fort. Elle ne peut pas contrôler ses sentiments. Non... elle ne peut pas.

"Tire-toi !!! Tu m'entends KAPPA ! DÉGAGE JE TE DIS !"

C'est un cauchemar. Un véritable, pur et abominable cauchemar.

Récupération:

© Narja - S. Amakusa pour Never Utopia

La Haine plus forte que l'Amour

Elle ne saisit pas sa main. C'est l'exact opposé de ce dont elle a besoin à cet instant. Elle ne veut pas le voir ni entendre le son de sa voix et encore moins qu'il la touche.
Il ne lui fera aucun mal, elle le sait bien. Ce n'est pas de lui dont elle a peur. Ce n'est pas lui qui inspire cette si effroyable terreur qui enserre son esprit dans un étaux. Non... ce dont elle a peur aujourd'hui et maintenant, c'est d'elle même.

"Je sais bien que c'est toi abruti ! J'suis pas encore tout à fait demeurée ! Recule ! RECULE JE TE DIS !"

Son regard se fait haineux tandis qu'il continue à s'avancer vers elle. Et si elle revêt la forme de mot, c'est bien sa verve la plus cinglante qu'elle lui lance au visage. Cette colère qui transpire par tous les pores de sa peau. Cette haine qui afflue dans son regard comme s'il était suffisant pour transpercer le Verseau de part en part. Il ne lui a vu ce regard là qu'en une seule et unique occasion, quand l'on ose prononcer le nom de Psema en sa présence. Quand l'on ose rappeler à sa mémoire qui a commandité le meurtre de son maître qu'elle chérissait tant.
Et aujourd'hui... voilà qu'elle le regarde de la même façon.

"Putain mais qu'est-ce que t'es buté ! Tu ne comprends donc rien ?!"

Comment pourrait-il comprendre... alors qu'elle même peine à saisir le sens des sentiments qui la submergent. Comment le pourrait-il...
Lorsqu'il saisit sa main en la plaçant sur son coeur, Ahina se fige comme une statue. Les larmes poursuivent leur terrible chute alors que l'expression agressive de son visage contraste violemment avec le reflet de tristesse qu'évoquent ses pleurs.
Pourquoi... pourquoi hait-elle le monde entier. Elle a toujours été colérique, ça n'est pas une nouveauté. Mais de là à haïr Kappa et l'endroit où elle se trouve, de là à penser qu'Athéna n'est qu'une sale traînée qui ne sait rien faire d'autre que de se faire enlever et mettre en danger les siens, de là à se foutre royalement que Sylphe gagne contre ce spectre ou meurt... Tout cela est bien trop soudain, bien trop abrupte et totalement incompréhensible.

"Tu devrais, sinon tu vas mourir."

Ce sont les seuls mots qui finissent par franchir la barrière de ses lèvres alors que de colère à haine, sa voix se mue en une glace qui pourrait sans mal rivaliser avec les créations du Verseau.
Lorsqu'elle a prononcé ces mots, les paupières de la grecque s'écarquillent, emplies d'une terreur sans cesse renouvelée.

"Mais qu'est-ce que je dis putain... Pourquoi je suis comme ça... KAPPA ! Qu'est-ce qu'il m'arrive bordel ?!"

Elle l'a aimé. Oh oui... elle l'a tant aimé. Mais aujourd'hui cet amour n'existe plus. Pire encore... il s'est modifié de la pire des façons possibles.
Qu'il la touche ainsi lui donne presque la nausée tant il l'écoeure par sa seule présence. Pourtant elle a parfaitement conscience qu'il y a une heure à peine, elle aurait donné sa vie pour cet homme sans même avoir une once d'hésitation. Et maintenant...

Elle le repousse de nouveau d'un mouvement qui se veut sec, mais qui manque cruellement de force de part son état. Un pas de recul, puis un second. Son visage se baisse vers le sol, quelques mèches plaquées sur ses traits masquant son regard aussi sombre que la nuit.
Puis surviennent des mots. Des phrases prononcées avec application, avec grand soin, comme si chaque mot revêtait une importance capitale. Le son de sa voix se fait profond, presque guttural.

"Tout est de ta faute... Cette balafre que je porte, c'est Katha qui me la faite et s'il m'a laissée en vie, c'est juste pour le plaisir de te voir souffrir."

Elle pivote lentement sur ses talons, tournant le dos à Kappa alors qu'elle fait un pas, puis un autre, vers le Scorpion d'or qui se tient aux côtés de l'armure du Verseau. Elle doit savoir et c'est le seul moyen.

"Et maintenant ce Kyro qui n'avait qu'une seule idée en tête... te faire le plus de mal possible. Tes ennemis ne font que s'en prendre à ce qui t'est cher." Vindicative, le visage déformé par la douleur et la haine, Ahina se tourne vers Kappa qu'elle apostrophe d'une voix emplie de colère. "J'ai souffert mille tourments à cause de toi KAPPA ! Je vais souffrir toute ma vie à cause de ton putain d'égo de merde ! TOUT EST DE TA FAUTE, TOUT ! Tu es une malédiction pour ceux qui t'approchent !"

Les épaules secouées par les sanglots qui ravagent son visage, Ahina tombe à genoux, s'effondre comme un pauvre château de cartes trop fragile. Elle pleure, pleure amèrement. Pourquoi le destin est-il aussi cruel... Pourquoi.

"Je t'aimais... je t'aimais vraiment... Jamais je n'ai aimé quelqu'un comme je t'ai aimé toi. Plus jamais je n'aimerai comme ça... Il y a une heure Kappa, juste une petite heure de rien du tout... je t'aimais. Mais maintenant..." Sa voix semble se déformer au fur et à mesure qu'elle parle, alors qu'une aura d'un rouge flamboyant explose autour de son corps et que sa nuque se braque vers l'arrière en un dernier élan de douleur. "Mais maintenant je te hais ! Je te hais du plus profond de mon être ! Et je ne peux rien faire pour aller contre ça !"

© Narja - S. Amakusa pour Never Utopia

L'éveil

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La brume rouge qui l'entourait cesse alors qu'elle prend appui sur ses paumes pour se relever. Il lui apparait qu'elle ne fait que ça depuis qu'elle a pénétré dans la Maison de Corell, tomber pour se relever, encore et encore, en une boucle qui ne semble trouver aucune fin.
Ses jambes la supportant à peine, Ahina finit néanmoins par se remettre debout, son corps entier parsemé de tremblements qu'elle ne peut contrôler.

L'incompréhension du Verseau est violente, percuté de plein fouet par les mots qu'elle lui adresse. Et alors qu'il lui hurle de se taire, elle lève les yeux au ciel en une attitude assez morne. Non pas par lassitude, mais parce qu'elle aussi, ne comprend pas ce qu'il lui arrive. Les étoiles ne brillent pas, trop occultées qu'elles le sont par l'orage qui s'abat toujours sur le Sanctuaire.
Le large engin qui survole le Sanctuaire est toujours en position et Ahina se surprend à penser qu'elle n'a vraiment cure de ce qu'il fait là et, surtout, de ce qu'il compte abattre comme nouveaux malheurs sur le Sanctuaire.

Son visage se détache doucement de la voile actée, balayant le temple du Lion qui ressemble de plus en plus à une plaine de guerre acharnée.
Ses prunelles sombres tombent sur plusieurs personnes à quelques dizaines de mètre d'eux. Un spectre, la Vierge, et un autre homme qu'elle n'identifie pas. Il ne semble pas être un Naze, comme dirait Mary.
Alors que cette pensée fugace traverse brièvement son esprit, les sourcils du Scorpion se froncent sèchement. Lui apparait clairement une chose qu'elle n'avait pas encore réalisée. Son attention se focalise sur Mary, la marina au tempérament volcanique si similaire au sien. Son sentiment à son égard, la façon dont elle la considère, rien n'a changé. Ses sourcils se froncent d'avantage. Ses prunelles se posent sur le spectre qui tente de s'approcher de la Vierge. Lorsqu'elle effleure les pourtours de sa silhouette, rien. Pas le moindre sentiment, pas le moindre ressenti. Ce type, qui est pourtant un ennemi juré du Sanctuaire, devrait lui déclencher, si ce n'est de la rage, au moins de la colère. Ce n'est pourtant pas le cas. Et lorsque ses yeux tombent sur celui qui est en réalité un marina, rien non plus. Il ne lui provoque absolument aucune réaction.

L'appréhension la gagne alors qu'elle réitère la même opération avec Gabriel, faisant totalement fit de la présence de Kappa. Et lorsque son regard d'ébène se pose sur la Vierge... ses poings se serrent et lui vient spontanément l'ardent désir de lui enfoncer son poing en plein figure.
Comme pour se convaincre que cette piste est la bonne, Ahina leur tourne le dos pour faire de nouveau face au Verseau. Aussi tranchante que pour la Vierge, l'expression de son visage se pare d'une haine féroce dès que ses yeux se posent sur lui.

La triste réalité la percute de plein fouet, manquant de la faire vaciller une fois de plus. Son attitude envers les Saints a changé. C'est comme si elle les détestait tous, les uns après les autres, chaque compagnon qu'elle a pourtant côtoyé depuis des années, des dizaines d'années pour certains d'entre eux.
Comment... comment un changement aussi radical, sans la moindre raison apparente, peut-il s'opérer aussi simplement que de tourner la page d'un livre...

Pourtant... un tout petit flocon de lumière perdure encore au fin fond de son âme. Caché sous un épais manteau de haine, il survit bien malgré lui comme il peut, attendant que l'on vienne éveiller sa lumière qui persiste à se battre contre l'ombre qui l'enveloppe.
Ce petit flocon d'or émet une faible clarté lorsque les larmes dévalent les joues du Verseau. Ahina semble alors comme interdite, comme si elle venait de tomber dans un profond coma qui la maintenait malgré tout debout.
Au même instant, alors que la dernière lueur de son âme semble affectée par les pleurs de son éternel amour, une voix résonne puissamment dans son esprit.

AAAHHHHHIIIINNNNAAAAAAAA

La brune plaque violemment ses paumes sur ses tempes alors que la douleur se dessine sur son visage. La ferme... Fermez là tous autant que vous êtes... Arrêtez d'essayer de la retenir.
La voix de Mashia couplée aux pleurs du Verseau font exploser son coeur.

"MASHIAAAAA LA FERMEEEEE !!! TAIS TOIIIIIII !!!!"

Son corps s'arque brusquement vers l'arrière alors que l'épaisse brume rouge refait son apparition, enveloppant le corps de la grecque.
Ses genoux percutent le sol avec fracas alors que ses paumes se plaquent sur le sol et qu'une épaisse gerbe de sang s'échappe de ses lèvres. C'est comme si... comme si elle achevait d'extraire le peu de sang pur qu'il restait dans son organisme.
Haletante, les yeux exorbités fixant la mare de sang dans laquelle baignent ses mains, Ahina peine à reprendre son souffle alors qu'elle sent son âme se fissurer d'avantage.

"Pas... Ahina... hein..."

Les mots s'échappent avec une certaine peine de sa gorge alors que le souffle lui manque encore. Elle relève le visage vers Kappa qui la pointe d'un doigt tremblant. Le silence s'installe alors qu'elle le toise d'un regard qui oscille entre une haine profonde et une peine infinie. Comme les deux faces d'une pièce qui ne cesserait de tourner sur elle même, sans jamais décider de quel côté elle allait s'échouer.
Finalement elle finit par se redresser, une fois encore, encore et encore. Elle ne prend même pas la peine d'essuyer le sang qui dégouline le long de son menton, comme si cela n'avait pas la moindre importance.

"Mon plat préféré c'est les oeufs au lard de ton père. Ma mère s'appelle Enya, mon père Aaron. Je suis la première à t'avoir accueilli quand tu es arrivé au Sanctuaire. Tu m'as sauvé de la noyade quand nous étions petits et que nous nous baignions dans notre cachette. La première fois que nous nous sommes embrassés c'était sur la terrasse chez mes parents."

Les mots s'écoulent en flot continu d'une voix presque éteinte. Une part d'elle même lui hurle qu'il vaudrait mieux qu'il la prenne pour une pâle copie, qu'il croit que ce n'est pas elle qu'il a en face de lui. Ca serait sans doute plus facile pour Kappa de s'enfoncer dans un déni parfait et inaltérable.
Cependant... l'obscurité qui la gagne est bien plus forte que le pauvre petit bout d'âme intact qui perdure malgré lui. Alors elle parle, lentement, d'une voix sombre, lui narrant des souvenirs qu'ils étaient seuls à connaître.

"Je continue ou c'est bon ?"

Son visage s'affaisse vers le sol en un léger craquement. Elle réalise qu'elle est entrain de détruire tout ce qu'elle avait mis si longtemps à construire. Et malgré ce constat, elle ne peut rien faire pour l'endiguer. Car ce qu'il refuse de comprendre, et qu'elle ne tentera même pas de lui redire une fois encore, est qu'elle ne peut rien contre tout cela. Quoi qu'on lui ai fait, qui que soit celui qui lui a fait ça, il est plus fort, bien plus fort.

"Je vais te donner l'ultime preuve dont tu as besoin"

Elle fait volte face très lentement, comme un automate guidé par on ne sait quelle main de marionnettiste experte. D'une main faible mais qui pourtant semble y parvenir sans mal, ses doigts se referment sur le tissu de la tunique que Mary lui avait donnée et l'arrache. Le tissu tombe légèrement sur le sol. Seuls perdurent le large bandeau taché de sang qui couvre sa poitrine et le bandage de fortune qui enserre sa taille et d'où dépasse la profonde entaille faite par Katha et rouverte sans ménagement par Kyro.

D'un pas traînant elle se dirige vers le Scorpion d'or qui repose à quelques mètres. Elle n'appréhende pas alors qu'elle le devrait sûrement. Elle sait ce qu'il va se produire. Elle sait comment elle va être accueillie par l'armure qu'elle porte depuis de longs mois. Mais Kappa, lui... n'imagine sans doute pas ce qu'il va se produire.

Plus l'écart qui la sépare du Scorpion s'amenuise et plus l'armure de la constellation d'Athéna émet une lueur dissuasive. Ce n'est pas uniquement l'expression de son aura d'or qui se manifeste, mais bien une mise en garde contre celle qui l'approche.
Normalement, une armure qui ne reconnait pas l'humain qui l'approche se contente de n'être qu'un bout de métal sans âme. Une réaction ne s'opère que dans des cas bien précis, et cela... le Verseau ne peut l'ignorer.

La lueur de l'armure se fait de plus en plus forte, de plus en plus violente au fur et à mesure qu'elle s'approche, pour finir en un véritable brasier de cosmos. Comme si... comme si l'armure allait attaquer d'elle même, sans qu'aucun porteur ne le lui inculque.
Le regard d'Ahina se pose sur Kappa lorsque sa main s'élève dans les airs pour toucher l'armure du Scorpion. Un regard parfaitement éteint.
Ses doigts frôlent le métal, le touchent à peine... et c'est l'explosion du cosmos du Scorpion qui lui répond. La secousse est violente, repoussant Ahina qui chute à plusieurs mètres de l'armure.

La balafre qui lèche son flanc perle d'un sang frais qui suinte à travers le bandage de Kappa. Allongée sur le dos, les bras à la perpendiculaire du sol, la brune fixe l'orage au-dessus d'elle sans plus de réaction que sa voix pâle qui s'élève alors.

"Je suis une paria, Kappa. Tout le Sanctuaire me rejette, jusqu'à ma propre armure." Ses prunelles d'ébène ne quittent pas le ciel qui s'étend au-dessus d'elle alors qu'elle poursuit à voix basse "Je n'ai plus rien à faire ici. Je n'ai plus rien à faire avec toi ni avec les autres. Le Sanctuaire me hait autant que je le hais."

Sa nuque oscille vers Kappa alors qu'elle reste dans sa position allongée, comme lassée, épuisée, incapable de se relever. Elle pose un regard parfaitement vide sur le Verseau alors que l'ultime sentence s'abat.

"Il va falloir te faire une raison, car désormais nous sommes ennemis."

© Narja - S. Amakusa pour Never Utopia

À ceux qui n'ont plus rien, j'offrirai un foyer. À ceux qui n'ont jamais rien eu, je donnerai tout ce que j'ai...

À ceux qui tombent, je donnerai l'équilibre. À ceux qui touchent à leur fin, je permettrai de recommencer...

À ceux que le noir effraie, j'enseignerai la peur du blanc. À ceux qui ont perdu la voie, j'éclairerai l'obscurité.

Viens, enfant. Le palais des étoiles t'attend.

Citation :

→ Vous aimeriez bien le savoir, hein ? (avec Ahina)

Oublie moi

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Ses prunelles fixent le Verseau d'un air morne. Jamais constellation n'a été plus mal choisie que pour lui. Le Taureau ou le Bélier lui auraient nettement mieux convenu. Buté comme une bourrique qui n'entend rien aux coups de fouet dont son maître pourrait l'affubler, Kappa tombe dans un déni qui était prévisible.
Il ne lâchera pas. Il le prône, il le revendique, il le hurlerait presque si son attitude ne s'était teinte d'une détermination qu'elle lui connait bien.

"Ne sois pas stupide Kappa"

Doucement, esquissant une grimace, Ahina se relève. Vacillant légèrement, la tête lui tournant comme si elle allait finir par exploser en un million de particules, celle qui était jadis le Scorpion d'or se remet péniblement sur ses jambes.

"Tu as toujours été buté, ça ne date pas d'aujourd'hui. Mais là... tu ne gagneras pas"

La froideur s'installe, s'immisçant dans le timbre de sa voix, alors qu'elle pose un regard sec sur le Verseau.
Une funeste brise se met à souffler sur le temple du Lion. L'eau tourbillonne au-dessus de leurs têtes, tombant sans discontinuer sur le couple qui se dévisage d'un air bien sombre, autant l'un que l'autre.

"Ton phare... comme tu dis, va te conduire à ta perte. Ce n'est pas la lumière que tu trouveras, mais ta destruction.
Alors maintenant il va falloir choisir, Kappa. Tu me tues, cela te serait facile tu le sais aussi bien que moi, ou tu me laisses passer."

Elle n'a que trop traîné en ces lieux maudits. Pourtant... fut une époque pas si lointaine, remontant à peine à quelques heures, elle n'aurait pu envisager de quitter le Sanctuaire, malgré les ordres de Shion et malgré la situation présente. Fut cette même époque, Ahina détestait par dessus tout quitter la Grèce. Aujourd'hui, maintenant, à cette seconde précise, elle ne désire qu'une seule chose : être le plus loin possible de cette terre qui ne lui inspire que haine et dégoût.

Il s'approche et son regard se pare de tristesse. Les mots fatidiques résonnent dans sa tête comme autant de cloches assourdissantes. Interdite, la brune le fixe longuement d'un air perplexe. Le silence reprend ses droits sur le domaine, entrecoupé des flash cosmiques du combat de Sylphe.

Cette phrase... Elle s'en souvient oui. Elle s'en souvient comme si c'était hier. Et pourtant elle n'y arrive pas. Elle ne parvient pas à se souvenir de ce pan de sa personnalité là. Il y a une heure... juste une toute petite heure... comment envisageait-elle son avenir ? A quoi aspirait-elle ? Que désirait-elle plus que tout autre chose ? Désormais elle voit à travers le prisme de la réalité que lui a imposée Kyro. Ce prisme noir, déformé. Cet écrin d'ébène dans lequel tout son être a été projeté sans son consentement.

Elle se souvient, oui... parfaitement. Les souvenirs sont intacts. Certains ressentis, liés à ces souvenirs, le sont tout autant. Mais ses pensées... ces élans de projection que chaque être vivant possède, qui les lient à un avenir dont ils ne peuvent qu'espérer les contours, ces projections là, sont devenues aussi noires que l'est son regard.
Que voulait-elle avant ? Elle est parfaitement incapable de répondre à cette question.

Ses lèvres s'entrouvrent mais aucun son ne s'extirpe de sa poitrine. Les paupières d'Ahina s'écarquillent lorsqu'une voix résonne dans la plaine dévastée qu'est devenu le temple de Corell.
Cette voix... elle l'a entendue... juste un peu plus tôt... Oui, elle en est certaine. Elle sent plus qu'elle ne voit, la défaillance passagère qui s'empare du Verseau. Et elle sent, ô que oui... la satisfaction que cela lui procure de le voir ainsi perdre pieds.

Et il apparait. Pséma.

"Toi..."

Le regard sombre ne lâche pas le chevalier noir des yeux. Psema. L'être qu'elle a le plus détesté dans toute son existence. Celui qu'elle a passé des mois et des mois à traquer sans le moindre succès. Celui à cause duquel elle s'était heurté à Katha. Celui qui avait provoqué tant de pertes, tant de souffrances. Cet être là, s'avance d'un pas léger, presque délicat, sans redouter qui que cela soit, à quelques mètres d'elle.

Et pourtant elle ne fera rien. Rien du tout.

Comment une telle chose peut être possible, peut être réelle. En sang, les os brisés, le moral dans un abysse sans fond, quel que soit son état, elle devrait déjà être en train de lui coller sa main dans la gueule.
Et pourtant elle ne fera rien. Rien. Elle l'observe d'un regard presque... doux. La douceur n'étant certes pas son apanage naturel, la voir le regarder de cette manière est un improbable surréalisme.

Elle la voit. Elle la voit très distinctement. L'ombre se détache de l'armure d'or, s'élevant au-dessus de Psema avant de disparaitre là où nul ne saura la retrouver. Cela aura duré un instant, même pas une petite fraction de secondes. Et pourtant. Pourtant elle l'a entendue. Oui. Cette résonance parfaite qui l'unit déjà à ce nuage de noirceur, extrait de l'armure qu'elle portait jusqu'à il y a peu.

Elle se sent reconnue. Elle se sent désirée.
Un léger sourire se dessine sur ses lèvres lorsque l'ombre du Scorpion disparait. Elles se retrouveront bientôt, oui, très bientôt. Elle attend ce moment avec impatience.

Psema a achevé la distance qui les séparait. Elle lève les yeux, étrangement calme, presque... sereine. Elle se reconnait en lui. Elle le reconnait comme lui étant lié. Cela est naturel. Un naturel qui ne l'interpelle presque plus. Et lorsque sa main se détache de son flanc pour saisir celle qui lui est tendue, le petit éclat d'or brillant encore au sein de son âme hurle sa détresse. Ne saisis pas cette main... ne fais pas ça... pourrait-on presque l'entendre murmurer dans un souffle.

Il est trop tard.

Lorsque sa paume frôle celle du Chevalier Noir, le dernier éclat qui subsistait est réduit à néant. Pour toujours ? Fort probablement. Seul l'avenir possède cette réponse. Et encore... l'avenir avait-il réellement prévu ce qu'il s'est passé aujourd'hui.

Alors que le voile d'ébène de Psema l'enveloppe doucement, Ahina plonge la main dans l'une des poches de son pantalon. Rapidement elle retrouve l'objet dont elle avait oublié la présence jusqu'à il y a peu.
D'un mouvement sec du pouce, suivi d'un bref tintement de métal, la chevalière du régent du Sanctuaire atterrit aux pieds de Kappa. Son regard noir se pose sur lui alors qu'Ahina se pare d'un calme qu'on ne lui connait que peu, voire pas...

"Je te rends ton bien le plus précieux, monsieur le régent du Sanctuaire. Ah mais j'oubliais, quelle conne... de Sanctuaire il n'y a plus puisque vous avez été incapables de le protéger... Quel dommage. Adieux, Kappa."

Son corps, aspiré par la dimension de Psema, a pratiquement disparu. Seuls perdurent encore les traits de son visage et, surtout, les deux prunelles brillantes qui fixent Kappa avec une froideur absolue.
Avant qu'elle ne s'efface complètement du Sanctuaire. Avant que sa présence en ces lieux ne revêtisse plus que l'aspect d'un songe perdu pour toujours. Au moment où elle disparait, drapée dans les bras de l'être le plus étrange que porte cette terre, sa voix résonne une dernière fois.

"Ah et... il semblerait que Kyro ait emmené Lya"

Suite a écrit:

-> Ailleurs (emportée par Psema)

© Narja - S. Amakusa pour Never Utopia