Remontant les pentes du volcan encore plus rapidement que je ne les avais descendus, j’assistais silencieux et pensif à ce qui serait sans doute les derniers instants de l’ile de la reine morte sous le visage que je lui connaissais, alors qu’à chaque seconde qui passaient, son sol s’en voyait d’avantage ébranlé.

*Bientôt le volcan entrera en éruption, et à cet instant que les dieux prennent en pitié ceux qui se trouveront encore sur l’ile.*

Sans protection divine et sans ailes salvatrice, cette ile deviendrait le tombeau ardent des idiots qui s’y seront attardés. Ce qui ne serait ni mon cas, ni celui de l’Etoile des Ténèbres, en mon fort intérieur j’en faisais le serment.

N’ayant trouvé aucun signe de vie lors de mon ascension, et ayant délaissé le combat du chevalier noir des poissons, déjà condamné sans le savoir par le futur proche que l’ile lui réservait, j’arrivais en un éclair là où j’avais laissé le spectre du vampire, encore aux prises avec le Serpentaire noir.

Me posant sur un parapet rocheux surplombant leur affrontement, je regardais sans émotion l’arcane de Lydia changer la face de la lune dans une série d’illusions qui étaient sa signature, et à en juger par la dernière réplique d’Henriques, je pouvais conclure que leur affrontement arrivait à son terme.

*Appeler ainsi la mort de tes vœux… Ferais-tu preuve de repentance ? Ou est-ce simplement l’ivresse de ta mort prochaine ?*

Je n’avais pas tous les éléments pour répondre à cette question, et pour l’instant, cela n’avait que peu d’importance. Si l’Etoile des Ténèbres accomplissait son devoir comme elle le devait, sous peu, l’âme misérable de ce chevalier noir irait rejoindre le sombre séjour et passerait devant mon regard , là où il ne pouvait y avoir ni mensonge ni tromperie.

Encore fallait-il pour cela que le traitre trépasse, ce qui, connaissant le spectre du vampire, n’était pas assuré. Mais ce que le cœur de Lydia se refusait à faire, la lave ardente le ferait sans faillir.

« Etoile des Ténèbres ! »

Tonnant de la voix pour surpasser la clameur montante du volcan qui nous surplombait tous, je e refusais d’intervenir physiquement dans un combat que j’estimais gagné d’avance, mais tenais à soutenir autant que nécessaire le spectre du vampire qui, face au venin verbal de son adversaire, demeurait encore fragile de cœur.

« Le sombre Empereur est l’unique lumière en ce monde ! Sa parole est Loi, et Sa volonté irrécusable ! Quiconque dédaigne Ses bienfaits renonce à tout espoir ! »

Lui seul apporterait la paix et la tranquillité à une création gangrénée, lui seul avait la force d’âme nécessaire pour accomplir ce qui était nécessaire. Il fallait juste que Lydia ne le perde pas de vue. Car entre l’abime et le sombre Empereur, il n’y avait aucun choix possible.

*Courage Lydia. Tu vaincras, si tu crois en toi, et en notre sombre Empereur.*

Le temps nous était alors compté, et elle le savait, car déjà des hauteurs du volcan, les premiers signes avant-coureurs du désastre à venir nous parvenaient.

A chaque instant, à chaque minute qui passaient, les tremblements sous mes pieds gagnaient en force. Bientôt, l’ile toute entière se changerait en fournaise ardente, et alors, tous ceux qui s’y trouveraient aurait besoin d’un miracle pour y survivre.

*Un miracle, ou l’aide des dieux.*

Si je parvenais à le pressentir, alors pour l’Etoile des Ténèbres, cela devait être l’évidence même. Une véritable torture pour ses sens surdéveloppés.

Voilà sans doute une des raisons qui la poussait à frapper vite et fort. Son combat contre le serpentaire noir avait, selon toutes mesures, déjà bien assez duré.

Et alors que la dernière lune d’ambre se levait sur leur arène, une dernière étreinte du vampire et de sa victime avant que celle-ci ne chute dans l’ardent magma pour y rencontrer sa fin. Une fin qui me parut étrangement familière dans sa ressemblance avec celle qu’avait rencontré la traitresse Asgardienne.

*Ainsi les amants maudits se rejoignent-ils dans le feu purificateur.*

Une fin toute appropriée pour deux traitres et dont je savourais la pertinence, tout en assistant à l’atterrissage de Lydia sur le promontoire rocheux ou j’avais assisté à la fin de leur affrontement.

Le spectre du vampire avait accompli son devoir, et il l’avait bien accompli, malgré son visage marqué par des larmes que je ne m’expliquais pas, mais qui attendraient une prochaine fois pour trouver leur explication.

S’attendait-elle de ma part à des félicitations ? Non, certes non. Plus que tout autres serviteur du sombre empire, elle me connaissait, et savait que pour ma part, ces choses n’étaient réservés qu’aux faibles, et aux imbéciles, ce que Lydia n’était aucunement. L’accomplissement du devoir portait en lui-même sa propre récompense.

« Oui, cela est certain. Aucun mortel ne peut survivre à cela. »

Ne la gratifiant que d’un hochement de tête alors que je prenais acte de l’accomplissement de sa mission, j’étendais déjà mes sens au reste de l’ile, sondant ce que je pouvais encore sonder à la recherche d’ennemis caché.

« Notre mission ici n’est pas encore achevée, étoile des Ténèbres, pas tant qu’il restera encore le moindre chevalier noir en vie. »

Un nouveau grondement fit frémir jusqu’à l’air autour de nous. Le temps nous était toujours compté, et la puissance des hérauts divin ne cessaient de croitre.

« Si l'archi-traitre Pséma n’est plus de notre ressort, il reste au moins deux autres chevaliers noirs encore en vie sur cette ile. Le poisson et l’ombre des gémeaux. Nous ne pouvons quitter ce cloaque avant de nous être assuré qu’ils soient tous deux bel et bien mort. »

A présent notre voie était toute tracée. Bien plus efficace dans le rôle de traqueur que je ne le serai jamais, le spectre du vampire allait désormais avoir l’occasion de prouver l’étendue de son talent.

« Etoile des Ténèbres, à nouveau, soit mes yeux et mes oreilles. Invoque tes familiers, qu’ils recouvrent l’ile de leurs griffes et de leurs battements d’ailes. Qu’ils traquent et débusquent le moindre cœur, le moindre souffle, et qu’ils nous les signalent. Aucun de nos ennemis ne doit en réchapper. »

Cette nuit, aucune grotte ne serai assez obscure, aucune tanière ne serait assez profonde, car en cette nuit, les anges de la mort venez pour eux.

Zélé, mais pas idiot, je laisserai cependant au spectre du vampire le temps qu’il lui faudrait pour cicatriser ses plaies les plus handicapantes avant de prendre mon envol. Elle ouvrirait la voie, comme il convenait à celle qui était ma confidente.