Krauser tourna d'un quart sur lui-même, et se mit à avancer, en présentant son flanc à son adversaire. Il prenait un peu de distance par rapport au reste du groupe, le combat s'annonçait intense, et il ne voulait pas de dommages collatéraux.

Eh bien? Tu ne veux pas suivre ton adversaire?

Il fallait intimer à ce mastodonte de ne pas rester sur place. De toutes façons, et quoi qu'il choisisse, Krauser ne se laisserait pas attaquer tant qu'ils ne seraient pas à une distance qu'il jugerait raisonnable. Si le géant était, à cet instant, dans une terre ou il était conquérant, Krauser comptait bien lui montrer que c'était lui qui menait le combat.

Puis, une fois parvenu à ce qui semblait une aire de combat suffisamment sécurisée, Krauser s'arrêta, et lentement, retira son casque qu'il fit disparaître dans une faille spatiale brièvement ouverte. Sous son ancienne étoile, il aimait ne porter que peu d'armure. Il savait qu'en tant qu'icelos, son surplis devait rester entier; mais si un accessoire superflu pouvait être retiré...

De toute la hauteur de ses deux mètres trente, Krauser étira ses muscles un à un. Il était déjà un être gigantesque pour le commun des mortels, mais son ennemi battait des records dans ce domaine. Il portait bien son nom, il fallait le dire. Krauser le toisa du regard, et dut lever la tête pour plonger ses yeux dans les siens. Puis il lui lança:

Je ne sais plus si tu m'as donné ton nom... en tous cas tu as parlé d'apporter ma tête à sa majesté Perséphone. Pourquoi pas! Cela sera une fin honorable pour cette vaillante enveloppe charnelle. Pour ma part, je n'aurais que faire de te découper en morceaux; mais je graverai ton visage dans ma mémoire. Il sera un parfait modèle pour les cauchemars que je destine aux enfants. Sois fier! Ton faciès me sera utile, même après ta mort.

Puis Krauser leva une main devant son visage, et effectua un petit mouvement rotatif du poignet tout en concentrant son cosmos. Une petite distortion dimensionelle se forma alors, d'une forme vaquement sphérique, faisant s'agiter l'air autour d'elle. Le fils d'Hypnos joua un instant avec cette balle improvisée en la faisant flotter d'une main à l'autre, puis la lança par-dessus son épaule. L'objet fusa dans une traînée noire et distordue, puis s'écrasa au sol, aspirant toute matière se trouvant à proximité, formant un cratère d'une poignée de mètres de diamètre.
Une démonstration de force? Pas du tout. Krauser sondait peu à peu ses nouveaux pouvoirs, et en découvrait un peu plus à chaque seconde. Un sourire aux lèvres, son visage prenant un air étrangement aimable, le fils d'Hypnos se gratta le menton, puis se frotta les mains d'un air impatient.

Bon! Si l'on s'y mettait tout de suite?

Étonnant, autant que plaisant. Krauser se serait attendu à tomber face à un serviteur décérébré, un colosse sans âme ne sachant utiliser d'autres mots que "frapper". Mais à son grand plaisir, ce géant était doué d'une raison plus que respectable, et par-dessus tout, faisait preuve d'une certaine courtoisie... enfin, pour un ennemi.
Krauser appréciait grandement qu'un adversaire sache faire preuve d'honneur guerrier, et c'était manifestement le cas du géant qui lui faisait face.
Ce fut d'ailleurs lui qui entama les hostilités, par un enchaînement littéralement enflammé, mais surtout, de coups portés à une vitesse phénoménale pour un être de sa stature. Krauser fut à deux doigts de se laisser surprendre, et dut user de toute sa force physique pour ne pas se faire écraser par le coup dévastateur, sans même avoir le temps d'user de l'une de ses distorsions spatiales.
Il n'eut ensuite d'autre choix que d'encaisser la plupart des coups que lui asséna le géant dont la vitesse semblait ne faire que croître. Puis tandis que celui-ci se replaçait à bonne distance de Krauser pour préparer sa prochaine attaque, le fils d'Hypnos essuya du revers de la main un filet de sang qui lui coulait du coin des lèvres. Un sourire amusé se dessina sur son visage.

En effet, tu es bien plus rapide qu'il n'y paraît. Et comme le combat ne fait que débuter, j'imagine que tu n'en es pas à ton maximum. Tu m'intéresses décidément de plus en plus. Mais ne te gêne pas pour moi, fais donc grimper un peu la température. Il fait un peu frisquet, au cocyte. Tes flammes frappent fort, mais sont un bienfait pour le moral!

Tandis que Krauser rendait ses politesses au géant, celui-ci s'affairait à générer des flammes d'intensité croissante, jusqu'à rendre l'atmosphère étouffante. Sentant une goutte de sueur ruisseler sur son front, Krauser se félicita de s'être au préalable délesté de son casque.
Puis son ennemi sembla se repaître des flammes entourant son corps, et les recracha dans sa direction sous forme de boules de feu destructrices, fusant vers lui à une telle vitesse qu'il ne pourrait les esquiver... par des méthodes "conventionnelles". D'un ample geste du bras, le fils d'hypnos déploya un voile dimensionnel, ouvert sur une distorsion spatiale. Les boules de feu s'y engouffrèrent, mais le choc produit par le changement brusque de pression secoua Krauser. Puis aussitôt, un second voile s'ouvrit derrière le dieu du cauchemar, et allèrent s'écraser au sol, quelques dizaines de mètres plus loin.
Krauser referma ses distorsions, et se tourna vers son adversaire en soufflant.

Sur-pre-nant. Non seulement tu disposes d'une puissance phénoménale, mais en plus, tu te bats avec méthode et respect. Tu es un excellent adversaire, je comprends maintenant pourquoi les enfers sont tombés entre vos mains.
Mais, contrairement à ce que tu sembles penser, je me moque éperdument de cette terre désolée. Si je me bats aujourd'hui, c'est pour soutenir mes frères d'armes, mais aussi pour servir mon impératrice. De la même façon que tu sers ton maître. Et en parlant de lui... Nous allons voir si tu es un serviteur dévoué!

D'un ample mouvement du bras, Krauser encercla le géant de voiles dimensionnels, sombre et quadrillés de rais lumineux; le plongeant dans un univers sans limite, avec le néant pour seul paysage. C'était maintenant à son tour d'entrer en scène, et il se devait maintenant de prouver qu'il était lui aussi un adversaire de valeur.

Waking Nightmare!

Le géant avait maintenant pour seul champ de vision, des ténèbres infinis. Soudain, devant lui se matérialisa une silhouette qui lui était bien familière. Bien moins grande que lui, mais qui se voulait toute aussi impressionnante; devant lui se tenait à présent Japet, le titan dont il était le serviteur.
Sans un mot, le titan leva les bras, et fit pleuvoir sur le géant une nuée de rayons dévastateurs; avant de baisser les mains, et s'approcher lentement d'Elektron.

Tu ne m'as pas servi comme je l'attendais de toi! Tu n'as pas été capable de mener ta mission à bien! Par conséquent, tu dois périr de ma main...

Puis il chargea son cosmos en une gigantesque sphère d'énergie, et la projeta droit sur le géant.
Pendant ce temps, Krauser, à la fois acteur et spectateur de la scène, s'amusait à jouer avec les sentiments et souvenirs de son adversaire. Cette technique était encore à son stade le plus basique, et son ennemi n'aurait en toute logique pas grand mal à s'en défaire; mais si l'illusion qu'était ce faux Japet ne parvenait pas à ruiner son psyché, il en subirait au moins les conséquences physiques.

Puis, Krauser fit se dissiper l'image du faux Japet, et prit sa place devant le géant. Droit comme un I, les bras croisés, il lança:

Bienvenue dans ma dimension, Elektron! Sonder ton esprit était une expérience très enrichissante. J'espère que, pour ta part, tu as apprécié cette mise en bouche. Mais il est maintenant temps de passer à un combat d'homme à homme. Enfin... nous dirons plutot: de dieu à géant.
Oh, et en parlant de ça, je ne me suis toujours pas présenté! Pardonne cet inqualifiable oubli.

Aussitôt, Krauser disparut dans un voile dimensionnel. Derrière le géant, une immense bête de cosmos se dessina sur l'horizon noir du monde des phobies. La créature quadrupède, dépassant de peu la taille d'Elektron, se jeta sur lui, tous crocs et griffes dehors. Puis elle disparut, avant de réapparaître au-dessus de lui, puis sur son côté... et ce manège cauchemardesque se répéta à plusieurs reprises, avant que la bête ne s'immobilise, faisant face à sa proie. La voix de Krauser résonna alors dans toute la dimension, comme si le fils d'hypnos était partout, et nulle part à la fois.

Je suis Krauser, fils d'Hypnos, et dieu des cauchemars, des phobies et des illusions.

A ces mots, la bête de cosmos, de même que la dimension toute entière, se dissipèrent peu à peu jusqu'à faire revenir le géant dans le monde gelé du cocyte, toujours en proie à ses flammes persistantes. Krauser se trouvait à sa place initiale, un sourire en coin aux lèvres.

Et tu viens de débuter un combat contre la Peur.