Cocyte [topic de récup]
Une terrible inquiétude me tenaillait à présent le ventre. Cette vision semblait si… réelle. Ignorant totalement la situation géopolitique périlleuse dans laquelle se trouvait le Royaume Souterrain, c’est à pleine vitesse et en ignorant les douleurs tordant mes muscles que je me dirigeai droit vers le portail de sortie du Royaume d’Hadès. Plus rien d’autre n’importait que de rejoindre au plus vite le manoir de Londres. Si toute trace cosmique de mon Ange Ténébreux avait disparu des enfers, je gardais en moi l’espoir insensé que pour une raison ou pour une autre, elle avait peut être regagné en urgence et sans me prévenir notre demeure. Il ne me fallut que quelques heures pour gagner l’Angleterre. Rapidement, l’air devint plus frais, et le soleil déclinait déjà largement à l’horizon lorsque j’atterris en bordure de la vieille ville.
Loin de diminuer ma vitesse, je poursuivis aussi rapidement que me le permettaient mes jambes jusqu’à ce que j’aperçoive la butte qui menait au manoir. C’est alors que mon cœur manqua un battement : une épaisse fumée noire s’échappait au loin. En quelques enjambées, mon regard ébahi aperçut avec horreur le manoir qui était entièrement en flammes, se consumant très exactement comme dans mes visions. Au loin, dans la cour que dominait la vieille bâtisse, les cadavres des serviteurs et gardes baignaient dans leur propre sang. Le portail avait été éventré, et seul le bruit des flammes dévorant le manoir venaient à présent déranger ce silence de mort. L’air hagard, complètement perdu, je m’avançai tout doucement vers le corps d’une jeune femme blonde que je reconnus aussitôt : Lucille, la plus proche servante de Lydia. Et toujours aucune trace de cette dernière…
Mon regard fut soudain attiré par une inscription peinte à l’aide de sang sur l’un des murs du manoir : « You’ll be next, Jason… ». Tu seras le suivant, Jason. Un seul groupe pouvait avoir commis une telle chose : le groupe qui nous avait piégés à Jamir, les mêmes qui avaient tenté de nous tuer. Mais quelqu’un dans Londres nous avait trahis. Des larmes se mirent à couler de mes joues alors que mes jambes flanchaient sous le poids de mon corps. Tombant à genoux, je demeurai longtemps dans cette position. Soudain, je me raccrochai à un dernier espoir insensé en redressant la tête :
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Lucky, appelai-je d’une voix à peine plus forte qu’un murmure.
Lucky ! Répétai-je d’une voix soudain plus forte qui se répercuta dans la cour.
Montres toi ! J’ai besoin de toi !Multipliant désespérément les appels, je compris rapidement qu’elle ne viendrait pas… C’était terminé, et la destruction du manoir n’était qu’une symbolique destinée à clôturer cette part de mon existence. Ce n’était qu’un rêve, un doux rêve, certes, mais un rêve quand même. Quelqu’un comme moi ne pouvait pas aspirer à une vie comme celle que j’avais tenté d’atteindre. Et par ma faute ma femme avait très certainement péri, à présent…
Le poids de la culpabilité s’effondra sur moi avec une force qui me fit plier l’échine pour me retrouver en larmes à quatre pattes. L’étreinte de mes doigts se referma douloureusement sur la terre. La douleur était telle que je ne pouvais pas me redresser, je n’en avais plus le désir. A quoi bon ? Qu’est ce qui m’attendait, à présent ? Je n’avais plus rien, j’avais tout perdu. Il n’y avait plus rien à espérer…
Brisé, perdu et désespéré, il n’y avait plus aucune raison pour que je décide de continuer…