« Lourds sont les héros dans la balance des âmes... Quel en sera le contrepoids ? »

Au début, il n'y avait rien. Rien qu'un pilier dressé vers le ciel, comme menaçant de crever un soleil jusqu'où il ne pourrait jamais s'élever. Rien qu'une immensité de pierre, dressée comme une épée vers des sommets d'où où l'avait rejetée. De l'eau et de l'eau encore, partout où le regard pouvait porter et plus loin que cela - mais elle ne l'arrêterait pas. Il était déjà venu ici autrefois - il y reviendrait encore. Il était partout chez lui, en ces lieux tant de fois visités, parfois à la tête d'une armée, parfois en quête d'alliés.

Fer et Sang n'avaient rien d'inédit, l'avaient-ils seulement pensé ? Mais la terre et la mer n'étaient pas faits pour s'aimer : toujours l'un finit par l'autre dévorer. Ils le feraient à leur tour, jusqu'à ce que ne reste que le ciel pour régner. Que la Foudre pour tomber. Au début il n'y avait rien, puis il eut une silhouette. Puis il y eut le noir et l'acier ; puis il y eut l'argent et le cristal et le monde à ses pieds. Ses pas le menèrent vers l'invaincu pilier, au coeur tant de fois crevé.

De loin lui parviennent les bruits du conflit. Les étoiles lui parlent, et il est là pour écouter. La guerre est sur le point de s'achever, mais y aura-t-il quelqu'un pour la gagner ? Nulle barrière le retient, nul garde ne vient le gêner ; tous gisent à ses pieds dans un sommeil bien mérité. C'est bien assez tôt qu'ils auront aussi à saigner pour que ces roches demeurent levées. Nul ne périra sans que le soleil ne soit là pour le voir ; trop hurlent déjà alors qu'on leur apporte l'éternité. Il ne sera pas dit que sa main y est mêlée, fut le sang impossible à voir dans le noir...

Quel fou Poséidon avait été ! Cacher ses trésors dans un précieux coffret est le meilleur moyen de le voir forcé. Est-ce un vol, quand on ne fait que reprendre ce qui n'aurait jamais dû nous quitter ? Est-ce un délit, quand on ne fait que répéter un geste tant de fois commis ? Entre ses doigts gantés d'ébène brille l'éclat de l'or ; à travers l'obscurité brille la lame d'une épée. Celle-là même que le Dragon des Mers a hérité ; il n'est pas le seul à être jumelé. Remplaçable et supplanté. Qu'ainsi continue le défilé. Dans les vagues, le futur se murmure.

« Je suis l'esprit, vivant au sein des choses mortes ; je sais forger les clés quand on ferme les portes. »

Une caresse à la surface de la pierre ; une nostalgie qui ne date pas d'hier. Un sourire au coeur, un sourire aux lèvres, et une arme levée. Elle brillé plus qu'elle n'a jamais brillé, elle luit de l'éclat du firmament entier. Noire pourtant est-elle à cet instant, comme une étoile oubliée. Et l'océan de vibrer, et la terre de trembler. Jamais le pouvoir du Dieu des Mers ne l'a arrêté ; nul début n'est programmé. Deux formes se dessinèrent dans l'obscurité, émergèrent de la pierre brisée. Dans cette bataille, dans ce jeu endiablé, il n'y a pas de prisonnier.

« Partons. »

Avec lui ils étaient trois : celui qui était là au départ, et celle qui les avait rejoints. Deux astres tombés entre ses mains. Il les avait aidés à se relever, et il le ferait encore ; leurs doigts trouvèrent les siens, retrouvèrent leur chemin.

Et d'eux trois, il ne resta plus rien.