Une course contre la montre. Christa n'en finissait pas de rattraper le temps perdu qu'elle n'avait pas passé à apprendre la tâche de prêtresse. Le remplacement précipité qu'elle avait fait lorsque Callan avait quitté Asgard et son rôle de prêtresse pour céder à Perséphone, la déesse qui dormait en elle, semblait avoir eu lieu hier à peine.
Lever les troupes, organiser l'armée du Seigneur Odin, tout cela demandait des connaissances qu'elle n'avait pas le temps d'accumuler. Il fallait connaître ses guerriers et leurs points forts, et l'asyne se rendait compte que son apprentissage en ermite dans les terres reculées du blanc pays comportait une faille : la méconnaissance de ses compagnons.
Ce matin-là, après la prière, elle avait pris la décision de s'intéresser au cas de l'une des guerrières runiques, Elendil d'Urd. Elle la convoqua au trône d'Odin. On disait qu'Elendil avait connu un destin particulièrement difficile, tombant d'une éducation noble dans un rude apprentissage guerrier.
Lorsque la jeune femme arriva à la convocation, la prêtresse se redressa sur le siège de pierre et ne put s'empêcher de considérer avec inquiétude sa faible constitution et sa délicatesse. Pourtant, les choses n'étaient pas toujours ce qu'elles semblaient être, et son mentor Edel, guerrière de la rose des glaces, lui avait appris à ne pas se fier aux apparences.
« Sois la bienvenue au trône aux griffons, au plus près du Seigneur Odin, Elendil, guerrière runique d'Urd. Je t'ai appelée car je dois t'affecter à une tâche dans l'armée d'Asgard. Cela n'aurait aucun sens si je te donnais une mission en jugeant de ton seul nom ou de ton armure, qui reste assez mystérieuse ... Les runrobes ne sont réapparues que récemment. J'ai besoin de te connaître. Suis-moi. »
Et sans plus attendre, car Christa était quelqu'un qui allait rapidement à l'essentiel, Polaris se leva et se dirigea vers les grandes porte-fenêtres donnant sur l'esplanade de la statue d'Odin. Elle lança un regard à Elendil, pour s'assurer qu'elle lui emboîtait le pas, et sortit sur la vaste terrasse menant au monument visible de partout en Asgard : le dieu Odin brandissant Balmung dans les nues.
La représentante s'avança jusqu'au milieu de la petite place, puis elle éleva sa main aux doigts fins dans le gris air matinal, tourmenté par le souffle d'un petit vent froid. Il y eut une résonnance, et l'armure de la rose des glaces répondit à l'appel de son ancienne propriétaire pour venir se plaquer sur son corps.
« Mon maître disait toujours : si tu veux connaître le coeur d'un homme ou d'une femme, il faut l'affronter. Alors, la vérité éclatera au plus fort de la bataille. Passe à l'attaque guerrière. Passe à l'attaque et prouve-moi ta valeur ! »
Et Christa se mit en garde, les yeux fixés sur Elendil. Si celle-ci ne se décidait pas à passer à l'assaut, la rose d'Asgard était prête à la forcer à s'engager, par tous les moyens.