Citation :

→ Sang pour Sang.

Sköll n'avait pas dosé son coup et il était parti avec toute la brutalité dont il pouvait l'imprégner. Ce n'était pas bien grave, ce n'était qu'un coup d'estoc afin de se mettre en appétit, la suite n'en serait que meilleure. Mais contre toute attente, l'attaque porta et le spectre fut soulevé de terre sans ménagement. La puissance du choc fit voltiger la lourde carcasse de la wyvern sur plusieurs mètres avant qu'elle ne s'écrase parmi les décombres. Son envolée avait été si rude que son casque avait été éjecté de son crâne et envoyé dans les airs. Il arriva à son pic avant de retomber entre les mains du Guerrier Divin, qui le rattrapa par automatisme et en scruta longuement les fines gravures que comportait la pièce d'armure. Se rendant compte du côté improbable de cette élimination directe, il s'en désintéressa sans pour autant le lâcher et fixa la carcasse étalée de son opposant, à l'évidence incapable de se relever. Il venait de mettre à terre un Juge des Enfers d'un coup d'un seul, et ce dernier n'avait pas l'air d'être en mesure de reprendre le combat alors que c'était pourtant loin d'être son meilleur coup.

À croire que son surplis était aussi solide que du verre et n'avait rien paré de l'offensive, mais même ainsi il était invraisemblable que sa résistance soit si faible qu'une frappe préventive soit en mesure de le terrasser. Certes, il n'y avait pas été de main morte, mais comme le descendant des vikings se plaisait à le dire « la subtilité, c'est pour les tapettes ». Et puis face à un des membres les plus éminents de l'armée infernale, il n'avait pas de raison de vouloir contenir sa force, c'était même tout le contraire. Mais s'il avait su qu'il mettrait hors-course son opposant dès le coup d'envoi, il ne se serait pas fait prier pour mettre de l'eau dans son vin à l'aide d'une modération minimale. C'était tellement étonnant que lui-même ne savait pas trop qu'en dire, et qu'il lui fallut plusieurs longues secondes avant qu'il ne comprenne vraiment ce qui venait de se produire, son esprit se refusant à accepter cette réalité tant elle brillait par son excentricité.

« Quoi, c'est tout ? C'est pas comme si je m'attendais à un réel défi mais quand même... »

Vouloir se dire que cela ne se pouvait pas était bien beau mais ne changeait rien à la donne : Radhamante gisait à ses pieds, dénué de toute énergie inhérente à son redressement. À croire qu'il avait été tué net sur le coup tant il était incapable de donner signe de vie et de reprendre le cours d'un combat qui s'ébauchait à peine. Et dire que ce devait être l'un des pires fléaux qu'il lui ait été donné de voir... Si c'étaient des lavettes pareilles qui donnaient aux Saints du fil à retordre, il y avait là de quoi se poser des questions sur leurs aptitudes au combat. Car si même l'un des membres du plus haut trio des légions ardentes avait péri de sa lame dès sa première rencontre avec elle, il ne donnait pas cher de la peau de ses subalternes s'il venait à leur tomber dessus. Eux-même l'avaient compris en le voyant triompher de la sorte et les quelques vermines traînant dans les parages avaient eu tôt fait de prendre congé en voyant que leur supérieur hiérarchique s'était fait démolir par le colosse. Le problème avait beau être retourné dans tous les sens, c'était à n'y rien comprendre, et le guerrier du froid n'eut d'autre choix que d'abandonner les recherches en se disant que ce n'était du qu'à son propre empressement et qu'il n'avait pas su doser sa force – même s'il restait grotesque de penser que le simple fait de ne pas y aller avec le dos de la cuillère suffise à détruire un membre de la garde personnelle du sombre monarque.

« C'est toujours pareil avec vous les spectres ! Vous crevez, vous crevez, vous crevez ! Non mais sérieusement je vous jure, je me demande pourquoi on s'acharne à finir ce genre d'adversaire ! »

Le dégoût teinta son regard de sa couleur funeste et il se désintéressa du corps inerte dont il était à l'origine pour examiner plus en détails les fioritures du heaume dont il s'était emparé contre son gré. Son corps avait bougé seul pour s'en saisir en le voyant être ôté de la tête de son propriétaire par son envol involontaire. Les cornes disproportionnées qui en dépassaient par trois côtés lui donnaient un curieux aspect massif et encombrant plutôt illogique pour un casque, et il eut du mal à ne pas se demander comment le défunt pouvait ne pas souffrir de douleurs dorsales en portant un poids pareil sur le crâne à longueurs de journées. Quelques pas le rapprochèrent de son propre casque qu'il ramassa à son tour avant de lever les mains de manière à placer les deux côte à côte afin de se livrer à une comparaison sommaire de leurs esthétiques respectives. Quelques instants plus tard, il jugeait que le sien demeurait tout de même plus beau même s'il n'aimait pas avoir à le porter et jeta au sol celui du vaincu, qui aurait tout à loisir de le récupérer quand il reprendrait ses esprits – si c'était un jour le cas.

Le sien était meilleur et il n'en changerait pas de sitôt, certainement pas pour ressembler à un porte-manteau contemporain qui se voulait plus œuvre d'art abstrait que véritable objet utilitaire. Fort d'une victoire éclair, même si le géant ne pouvait que la déplorer tant la déception était grande, Zeta pivota d'un bloc avant de partir d'un bon pas vers son point de départ, laissant là la dépouille de ce qui était pour lui le premier sang de cette guerre insensée et ses effets personnels. C'était à regret que le géant devait se résoudre à l'abandonner sur place mais la lucidité devait être de mise. Il n'était pas dit qu'il se réveille assez tôt pour que le Guerrier Divin puisse l'achever alors qu'il était conscient et rester là à attendre reviendrait à sacrifier toute l'utilité qu'il pourrait avoir pour cette bataille. Il était préférable d'occulter au sein de sa mémoire l'humiliation infligée à cette soi-disant bête féroce qui s'était laissée domestiquer plus facilement qu'il ne l'aurait cru. Puis, comme pris d'une soudaine illumination, il s'arrêta à mi-parcours et se figea sur place. On aurait pu croire à voir la tension qui régissait ses sens qu'il avait ressenti un quelconque signe de la vitalité du malheureux mais il n'en était rien, sa perception étant toujours aussi aléatoire qu'à son arrivée.

Son regard embrassa les environs afin de s'assurer qu'aucune bataille ne se déroulait trop près d'eux et il rebroussa chemin jusqu'à la dépouille déjà en plein refroidissement. Il n'était pas ici question d'un dernier hommage ou même d'un outrage particulier : il se contenta de lui flanquer un coup de pied en guise d'ultime provocation, juste retour pour l'avoir fait s'attendre à un combat grandiose et finalement s'avérer être doté de la fragilité du verre. Et puis s'il avait bel et bien passé l'arme à gauche, ce ne serait pas un coup de plus ou de moins qui aurait une grande influence sur son avenir puisqu'il n'en serait plus question. Satisfaisant de ce geste dépourvu de toute sportivité, le Loup Noir se détourna de feu sa proie et s'en alla avec un entrain perceptible. Cela avait certes été d'une facilité déconcertante mais ce ne serait pas forcément le cas de tout ceux avec qui il croiserait le fer – et il espérait ne pas avoir à essuyer une nouvelle déception à ce propos, se disait-il tout en époussetant son armure qui n'était que vaguement encrassée.

Citation :

→ Entrée du Sanctuaire.

Au milieu de ce qui fut l'aire de combat, ne restait plus qu'une seule silhouette qui se tenait debout. Le souffle de la jeune femme était saccadé, tandis qu'elle observait le dragon noir faire son œuvre, réduisant en charpie le corps de celle qui fut son adversaire. Cette fois-ci, s'en était fini de la Coupe Noire. Lorsque son totem regagna les ténèbres de Nilfheim's, l'Alpha put s'abandonner et tomber à terre.

Le parchemin et son néfaste effet l'avait épuisé. Tant de douleur et de souffrance à endurer d'un seul coup. Mais ce n'était rien à côté des outrages qu'avaient eu à subir les habitants de Rodorio. Il lui fallait juste se reposer un peu, avant de reprendre sa route, de se remettre également de tout ce qu'elle avait appris au cours de ce combat. Chercher à démêler le vrai du faux. Voilà qui ne serait pas chose aisée.

L'asine laissait naître de son cosmos de fines pellicules de glace qui vinrent recouvrir ses plaies, stoppant l'hémorragie, tandis qu'en son esprit raisonnaient les paroles de Lucia. Le danger aux postes d'Asgard avait-elle dit. Et cette histoire de vraie et de fausse Athéna? N'avait-elle pas entendue le Cri de la Vierge Guerrière? Si, elle l'avait bel et bien ouï. Ce dernier provenait par ailleurs du sommet du Sanctuaire.

Le minois de l'Alpha se porta en direction des hauteurs du domaine sacré, avant de glisser vers l'endroit qu'elle avait quitté un peu plus tôt, là où elle avait ressenti Athéna. Laquelle était donc la vraie? Et puis, il ne fallait pas non plus oublier la mort du Grand Pope, qui restait là, pour elle une parfaite énigme. Comment cela avait-il pu se produire? Il y avait là bien trop de questions qui demeuraient sans réponses.

Poussant un soupir, tout en massant ses temps, l'asgardienne se dit qu'elle pourrait peut-être récolter d'autres informations sur les autres scènes de combat. Ici, elle ne trouverait rien de plus, le corps de son ennemie n'étant plus. Aussi se releva-t-elle, en titubant légèrement avant de retrouver un appui ferme sur ses jambes. Ce n'était point le temps de laisser aller à une quelconque faiblesse. Le temps jouait contre eux. Il fallait se presser. D'ailleurs, ses forces commençaient à lui revenir.

Sans plus attendre, la Dragonne s'élança en direction de l'aire de combat située un peu plus que la sienne. Un corps se trouvait sur celle-ci. immédiatement, Ceridwen s'avança en direction du cadavre. Elle ne doutait pas le moins du monde de la mort du chevalier noir. Néanmoins, plus elle avançait, plus elle ressentait de drôle de sensation. Fronçant les sourcils, elle posa un genou à terre et laissa ses iris ambrées se porter sur le mort.

Ce qu'elle découvrit la rendit plus sombre encore. Il émanait de lui un cosmos d'une nature similaire au sien. Mais ce qui le stupéfia plus encore se fut la présence de trois runes: Kenaz, Tysa et Hagalaz. Kenaz a pour signification énergie, passion ou encore désir, et est associé à la déesse de l'Amour et de la Fertilité. Tysa, quant à elle était synonyme d'indépendance, de repli, de glace ou encore de mort. Et enfin Hagalaz, signifiait mystère, perturbation irrationnel et imagination. La première des runes évoquée, était entourée des deux autres, symbole du contrôle des esprits, ce qui ne présageait rien de bon. A elles trois, elles symbolisaient Nidhögg, le serpent rongeant les racines d'Yggdrasil, l'Arbre Monde.





Lui revint en mémoire les propos de Lucia concernant Asgard, ainsi que la vision qu'elle avait eu: les Géants qui régnaient en maître sur Asgard, les Guerriers Sacrés d'Odin, morts. Un frisson lui parcourut l'échine. Allait-il arriver quelque chose à Freyja? A l'évocation de la déesse, elle ressentit une douce chaleur contre son cou.

Les doigts de la Dragonne se portèrent sur sa nuque. D'une griffe, elle sortit de sous son plastron un collier d'argent au bout duquel pendait une pierre d'ambre. La main de l'Asgardienne se resserra autour du précieux objet. Elle savait ce qui lui restait à faire à présent. Un dernier acte, avant de quitter ces terres où elle avait vécu les six dernières années, et se serait Shion qui lui donnerait la réplique.

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~> Entrée du Sanctuaire

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