Prêt à en découdre, une fragrance l'interpella avant qu'il ne commande à sa créature de continuer l'assaut contre le Lion. Concentré comme il l'était, ce ne fut qu'au moment où Lily se saisit de l'une de ses mains que Gilles de Rais porta enfin son attention sur sa protégée. Si elle avait put lire dans son regard, elle n'y aurait vu que le vide. Un néant absolu. Gris. C'était ainsi que la jeune fille l'avait décrit non ? Pourtant, en la détaillant plus avant, le Seigneur de Montmorency eut un léger pincement au cœur. La pluie avait collé ses vêtements contre elle, lui donnant un aspect plus fragile encore. Si la demoiselle renvoyait cette image, lui, en revanche, était son opposé le plus strict. Le géant, n'écoutant que son instinct, resserra sa main autour de ces doigts déjà si froids. Oublieux de la guerre qui venait d'éclater et dont il fut l'instigateur, l'ancien Chevalier au service de son Roi posa un genoux à terre afin d'être un peu plus à la hauteur de sa petite fleur de Lys.

Sans un mot, il détacha le fibule d'or qui accrochait les deux pans de sa cape ivoire pour laisser le tissus glisser de ses épaules. Toujours sans lui adresser la parole – c'était superflu – il l'en drapa non sans une douceur qu'on ne lui aurait pas soupçonné de prime abord.

Le Bourreau possédait après tout cent visages. Avant que la belle ne s'éloigne de lui, Gilles se saisit de son poignet et la ramena à lui avec fermeté. Il l'étreignit avec la force du désespoir, lui susurrant ces mots à son oreille. Pour elle seule.

« Merci ma petite fleur. Pars, je te rejoindrais au plus vite. Promets moi d'être prudente, et surtout … ne combat pas. » cette demande semblait bien déplacée vu le contexte. Mais sur ces mots, le Seigneur de Rais raffermit la pression de ses bras autour de la petite, sans aller jusqu'à lui faire mal. « Je sais que nous sommes en Guerre mais je ne veux pas te perdre toi aussi. J'obéis certes à Aiakos mais toi non. Alors s'il te plaît, fait ce que je te dis. »

Si ses propos pouvaient sonner comme un ordre, pour lui, c'était plus une supplication. Avec lenteur, l'homme au masque se redressa libérant ainsi la petite qui était libre de s'en aller. Il toisa le Lion quand celle-ci s'éloigna. Le silence l'enveloppait de nouveau, mais, d'un coup, Gilles de Rais se signa avec respect devant ce qui semblait être son premier adversaire.

« Par égard pour votre Ordre de Chevalier et le code qui en découle, je vous demanderais de ne pas attaquer cette jeune fille. Je suis votre adversaire. »

Le timbre de sa voix se voulait légèrement changé : plus humain. Il attendit quelques instants après s'être mit en garde, laissant le temps au Saint d'Or de se mettre lui-même en position de combat. Loyal, Gilles de Rais le demeurerait toujours.

« Commençons. »

Aussitôt, une vague de tentacules noires surgirent du sol, en dessous de Corell, détruisant ainsi une partie des escaliers. Il serait ainsi sûr que personne ne prendrait Lily à revers. Maintenant, ils étaient seuls, et se faisaient face. Sa première attaque avait été vive, à l'instar de l'éclair qui para les cieux de pourpre …

La première attaque, et la manière dont l'adversaire réagissait étaient les deux choses les plus importantes d'entre toutes. Gilles de Rais le savait bien, en plus de 360 ans de vie, s'il avait retenu quelque chose de ses leçons avec son maître d'armes, c'était bien cela. Apprendre à observer l'attitude de l'autre, de l'ennemi, lui donnerait les clefs pour agir dans les prochaines secondes à venir. Et, compte tenu de ce qu'il voyait, le Spectre du Bourreau estima que la puissance de ce Corell du Lion était nettement plus importante que la sienne. En témoignent ses mouvements fluides, vifs, parfaits : une maîtrise digne des plus grands. Cet homme là était fait pour le combat et ceux qui tiraient les ficelles pour lui le savait bien. Le Spectre ne sut donc s'empêcher de lui glisser alors qu'il se ruait sur lui, lui portant un coup au visage …

« Ô … vous aussi, vous êtes ce que l'on appelle communément de la chair à canon … »

La suite des événements se passa si vite qu'un œil mortel n'aurait pas remarqué les changements – même infimes pour le Lion d'or – qui se produisaient chez l'homme masqué. Malmené par la vindicte du Roi, tout concentré comme l'était sur l'annihilation de ce premier trouble-fête, il ne remarqua pas le mystérieux ouvrage se parer d'une lumière sanguine. Bien que le corps gigantesque de Gilles se disloquait telle une poupée de chiffon, ballotté par les feux ardents de l'élément de prédilection de Corell, l'ombre naquit de la lumière. Au moment où il retombait, faisant croire au Saint qu'il avait fait mouche, le Bourreau se réceptionna au dernier moment d'un geste ample et fluide. Gracile, il se redressa tout auréolé de la même énergie qui semblait émaner de l'ouvrage.

Le dos bien droit, il observait encore. Quelle serait la réaction du Lion, cette fois, quand il constaterait que la marque profonde laissée sur son masque d'ivoire disparaissait petit à petit sans ne plus laisser aucunes traces ? Gilles paraissait complètement indemne.

« C'était très impressionnant Corell du Lion. » commença t-il en faisant exploser son cosmos, de nouveaux pentacles se formant un peu partout autour d'eux. « Hélas, comme je vous le disais, ce n'est pas pour rien que j'ai été envoyé au front … Subtrahere te ad hostem ! »

Un manteau écarlate para les épaules de Gilles de Rais, le recouvrant entièrement : dans ce drôle d'habit se forma des étincelles semblables à celles qu'il avait reçu tantôt. Des gerbes électriques partirent alors pour percuter de plein fouet le Chevalier qui se trouvait démuni de devoir affronter sa propre attaque. Cependant, le Bourreau savait bien que ce serait insuffisant. Au moins, aura t-il pu prouver à son adversaire qu'il ne serait pas si aisé de briser ses défenses.

« C'est tout ? » fit-il d'un ton narquois, sans vraiment l'être tant sa voix était monocorde. Sans la petite Spectre à ses côtés, il était redevenu … Le Bourreau. « Qui je suis ? Ce que je suis devriez-vous dire. Je ne suis personne, tout juste une chose, l'étoile terrestre de l'Exécution, le Bourreau des Enfers. »

D'un claquement de doigt, toujours parfaitement immobile, le sans identité ordonna à ses tentacules un nouvel assaut sur le Lion d'Or. Celles ci resurgirent non pas d'en dessous mais de tout les côtés à la fois, là où les étoiles pourpres avaient été placé subtilement par leur maître.

« Je sens la Marque des Enfers sur vous ... »

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Peu d'hommes pouvaient se targuer d'être inébranlables. Si ce n'est aucuns. La fierté, la conviction et la foi du Lion en sa Déesse et sa capacité n'avaient pas de limites. Seulement, Corell était-il pour autant un être infaillible ? S'il le croyait, alors il était un fou, doublé d'un imbécile. Sa colère était à la fois une force et une faiblesse que le Bourreau saurait utiliser à son avantage. Il était temps de mettre en branle la Roue du Destin, de la faire remonter le temps, et montrer au Saint les erreurs qu'il avait bien put commettre. Gilles de Rais, imperturbable quand les éléments se déchaînèrent sur lui avec une violence rare, eut lui aussi un sourire sous le couvert de son Masque.

Son Jugement était sur le point de commencer. Ses souffrances aussi. Et ce qui intéressait Gilles de Rais, ce n'était pas de lui porter des coups physiques, qui détruiraient assurément son corps, non, il avait dans l'idée de blesser son esprit à un tel point qu'il l'acculerait, le poussant dans ses derniers retranchements. Car même le plus vaillant et valeureux avait un jour où l'autre fauté. Cette adoration à cette Déesse bien que Sage et avisée, cachait quelque chose qu'il pointerait à un moment où à un autre du bout du doigt. Mais avant cela, il encaissa du mieux qu'il le put, ces attaques répétées. Les éclairs percutèrent son corps, allumant ça et là des points lumineux tout autour d'eux quand parfois, le Spectre renvoyait un trait lumineux. Corell avait raison : face à sa hargne et sa soif de vaincre, il finirait par y succomber.

Il devait donc se montrer tout aussi impitoyable que lui.

« Athéna comme les Autres nous ont abandonné il y a quelques années déjà. Ne vous reposez pas sur une illusion. Ils reviendront, un jour. Mais pour le moment nous sommes seuls. » il serait ridicule d'affirmer l'inverse. Le Panthéon tout entier sommeillait et ne leur prêtait aucunes attentions à leur création. « Des siècles d'expériences parlent pour moi Corell du Lion. Vous avez cependant raison sur un point : je ne pourrais pas arrêter toutes vos attaques. »

L'apparition d'Athéna, à ces paroles finit de se ternir. Gilles eut un léger pincement au cœur en songeant l'espace d'un instant, que celle qu'il protégeait avait elle aussi fermé les yeux et s'était détournée de lui. Lui, son Gardien, la personnification du Printemps. Soufflé par le nouveau mouvement du Lion, Gilles dut cette fois mettre genoux à terre. Le hurlement de la foudre vrilla ses tympans et, sonné pour quelques secondes, il ferma lui aussi ses prunelles sur le Monde. Son Livre de Sang lui envoya alors son aide, qu'il accepta sans broncher. Le Bourreau en se redressant, fit apparaître dans sa main gauche, une immense épée toute auréolée de ténèbres denses, camouflant la lame d'argent. D'autres subterfuges ?

« Le plus opposé dites-vous ? C'est ce que nous allons voir. »

D'une rapidité déconcertante, le Spectre, brisant le silence instauré, apparut en face de son adversaire, le toisant de toute sa hauteur - immense - son aura dégageait quelque chose de plus profond que de la noirceur. Autre chose d'impalpable mais de présent chez lui. Le rendant unique en son genre. Son humanité. D'un geste vif de sa main libre, il enserra le crâne du Lion pour l'emprisonner dans un étau puissant qui le paralyserait pour quelques secondes. Il en profita pour psalmodier d'étranges propos en latin. Une marque de sang brilla alors sur le front du chevalier d'or. Un cercle. Rouge.

« Vous êtes un menteur, Corell du Lion, admettez-le. Vous ne pouvez pas vous cacher dans vos illusions, pas plus que vous pouvez me cacher la vérité. Vous aussi vous avez sombré. De plus, vous avez visité quelques fois les Enfers, combattu Thanatos … aux côtés du Chevalier de la Vierge. Qui n'est visiblement plus de ce monde … »

Son visage se tourna vers une frêle silhouette dotée de très longs cheveux rouges ballottés dans le vent. Mashia. « Le Destin est bien cruel non ? Je ne l'envie pas. Incarner la Déesse, mourir puis revenir à la vie … je ne le souhaite à personne. »

Un amas de tentacules jaillirent de la marque apposée par le Spectre qui se recula, observant son œuvre en action.

« Je ne suis pas le Fou dans l'histoire. C'est plutôt vous, d'avoir osé trahir votre Déesse … vous qui clamer l'aimer … Vous êtes une honte ! »

Le fureur du Bourreau se faisait ressentir tandis que les bras visqueux s'animaient pour bloquer le corps du Lion. Perdant presque le contrôle de lui-même, Gilles de Rais usa de sa lame pour lui porter une série de coups. Enfin, il fit un bond pour s'éloigner, laissant les tentacules noires faire leur office. Bientôt, il fut totalement recouvert, lui faisant entrevoir la vraie noirceur.

« Saints, Spectres … quelle différence en définitive ? Hm ... à défaut que moi, je n'ai jamais osé trahir ma Déesse ! Je suis bien plus loyal que vous le serez jamais. »

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La nuit était noire et angoissante. Plus encore qu'elle était parée d'un manteau gris, lourd, pesant sur leurs têtes en un étau dangereux. Presque mortel. Gilles de Rais sentait dans l'air une fragrance dont il était fort coutumier : autrefois, sur les champs de batailles, sillonnant ces derniers en tant que Maréchal, il avait put faire sienne cette odeur, arôme entêtante ! Celle du sang, de la mort et de la désolation. Au loin, le Bourreau sentait naître les présences sombres des soldats d'Hadès. Les étoiles tomberaient du ciel en fin de compte, d'une manière ou d'une autre. Mais, tout absorbé par son combat et sur Corell du Lion, Gilles ne fit pas plus attention à ce qui se passait autour de lui. La réaction de son adversaire, ses paroles, éveillèrent une sourde colère qui le fit serrer des poings. Le jeune Lion était soit un idiot, soit il était totalement aveuglé par sa foi. En d'autres circonstances, le Spectre de l'étoile terrestre de l'exécution aurait put le comprendre, tout loyal qu'il était en tant que chevalier. Aujourd'hui, il savait reconnaître et surtout faire la distinction entre la ferveur, la dévotion et l'hypocrisie d'une soit-disant « adoration ».

Lui aussi il avait sombré, lui aussi il s'était perdu dans le noir, cherchant à se raccrocher à un fin pan de lumière qu'il ne faisait qu'effleurer à chaque fois. Les bras de cette « Justice » que prônait le Saint, jamais il ne put y revenir. C'était une maîtresse rancunière, peut-être l'apprendrait-il à ses dépends. L'homme au masque aurait presque eut pitié de lui. Presque. Car sous ses yeux, défilait les pages de sa vie. Et ce qu'il découvrit l'emplissait de rage qu'il parvenait difficilement à contenir.

Encore une fois, il subit l'assaut du Lion d'Or sans broncher. Cette soudaine proximité lui apprit que sa marque de sang était toujours en place sur le front du fier Corell. Face à cette constatation, le Seigneur de Rais eut un sourire mauvais. Tandis que le cosmos de son ennemi mortel s'intensifiait à un point tel qu'il ploya l'échine, une voix de stentor éclata dans l'esprit du gardien d'Athéna :

~° Honneur ? Oseriez-vous prétendre savoir ce qu'est l'honneur ?! - sa voix, sifflante, était menaçante. - Vous la confondez avec la stratégie martiale, la tactique guerrière et ainsi camoufler votre sottise et ne pas écorcher VOTRE honneur. Pathétique.

Corell avait tord de croire qu'il était soutenu par sa Déesse. Tord de penser qu'elle serait toujours là pour les épauler. Ils étaient seuls, seuls pour se combattre l'un l'autre, à dessein. L'un pour briller aux yeux de la « Justice », le second … parce qu'il n'avait pas d'autres choix. Sa Parole était en jeu. S'il voulait prouver sa valeur, ce ne serait qu'en anéantissant l'un des plus puissants chevaliers de la Garde de la Sagesse. Si ce n'est le plus puissant d'entre tous. Corell était trop confiant, et Gilles de Rais saurait en tirer avantage.

Cependant, la tête basse, luttant contre la puissance grandissante du Lion, il se dit que la fougue de la jeunesse pourrait bel et bien prendre le dessus sur l'expérience. Accéder si facilement au septième sens n'était pas donné à tous. Lui-même ne parvenait pas à cet état quand il le désirait. Se pourrait-il que Corell se sente acculé ? Avant d'être avalé par la quintessence de cette puissance, le Spectre murmura quelques mots presque inaudibles dans cette tumulte de vent et d'éclairs entremêlés. La marque carmine qu'il avait apposé s'intensifia, formant un second cercle puis une étoile à cinq branches.

Un bref silence s'installa, un silence bruyant.

« Experientia composuerunt in sanguinem. » peu à peu une silhouette encore plus sombre surgit devant le défenseur de l'humanité. « Vous ne comprenez rien, Jacen. » Le livre de sang se matérialisa devant son propriétaire pour irradier d'une lueur aveuglante et carmine. « Je peux lire en vous avec tant de facilité. Je suis le Bourreau, celui qu'on envoie pour exécuter la sentence. Jaina serait si déçue, plus qu'elle ne peut l'être, déjà. Car elle aussi, vous l'avez plus d'une fois abandonné. Vous vous êtes détourné de votre « amour » pour quoi ?! Cette prétendue justice ?! Vous devriez avoir honte. Vous devriez faire pénitence pour vos pêchés. Mais vous ne m'écoutez pas, pourquoi ? Parce que je suis un Spectre, parce que vous êtes complètement endoctriné par votre prétendue foi. Réveillez-vous. »

Chevalier déchu, parangon des temps anciens, le Spectre du Bourreau ne paraissait pas être sorti indemne de cette attaque dévastatrice, en témoigne sa posture nettement plus lourde, son souffle rauque que l'on entendait à travers le masque lisse et blanc. Cela ne l'empêcha pas de lever son immense lame pour la pointer vers le Saint.

« L'Ombre, la Lumière … elles ne peuvent exister l'une sans l'autre. »

Peu à peu, les ténèbres enroulèrent leurs bras autour des deux adversaires, les recouvrant entièrement. Une bulle obscure qui allait camoufler la fin de leur combat aux yeux des autres.

« Nous sommes seuls. Seul l'un d'entre nous ressortira pour embrasser la Lumière. »

Sur ces paroles il se jeta sur lui au moment où son maléfice paralysa les sens de Corell, contraignit son corps à une souffrance telle qu'il n'en avait jamais connu jusqu'à lors. Il allait ployer sous son joug. Sa rage décuplée, Gilles s'acharna avec son épée chargée d'une énergie malfaisante, empoisonnée. Son esprit serait alors soumis à des visions épouvantables. À de tristes souvenirs. Pénibles, qu'il aurait volontiers oublié. D'autres tentacules naquirent du néant pour reconstituer cette même prison que tout à l'heure. Il disparaissait peu à peu, sous le regard mauvais du Spectre.

« Vous êtes seul. »

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Aucunes des pensées du fier Lion lui échappaient. Pas plus que ce sourire confiant qui étirait ses lippes. Gilles de Rais resta parfaitement hermétique à ce comportement digne d'un imbécile. Peu digne d'un chevalier de sa caste. Le jugement du sot est la sottise comme le disait les écritures. Au moins, l'idiot finit par remarquer qu'il était toujours sous son joug, et s'employa -enfin- à se débarrasser de la marque de sang. S'il croyait que cela serait suffisant, il se trompait lourdement. Le Bourreau le regarda se débattre en silence. Lui-même commençait à comprendre que tenter de le résonner fut une perte de temps totale : plutôt que de lui ouvrir les yeux, l'homme au masque allait se taire pour le laisser se noyer dans sa propre « foi ». Prétendue foi.

Gilles était toujours debout, il tenait bon. L'ancien maréchal avait un rôle à jouer dans tout ceci et il escomptait bien ne pas faillir. L'ombre et la lumière se feraient face jusqu'à la fin. Lequel des deux aurait le dessus ?

La confiance n'était pas ses habitudes. Ce serait faire la plus grossière des erreurs. Jusque là, sa stratégie s'était montrée payante, seulement, face à la vigueur de la jeunesse, la vaillance désespérée du jeune Lion, il se pourrait que le Spectre finisse par se laisser submerger. Pourtant, son corps ne le trahissait plus comme autrefois. L'étoile terrestre s'était octroyée un pouvoir ancestral qu'il n'avait pas laissé entrevoir jusque maintenant. Son livre de sang n'avait rien dévoilé de ses terribles pouvoirs : et là encore, le Bourreau ne comprenait pas pourquoi le Saint d'Or ne s'était pas plus intéressé à l'ouvrage. Source de sa puissance phénoménale.

L'imbécile.

Il ne violait aucuns de ses souvenirs, il ne faisait que regarder les faits. Il était là pour exécuter la sentence. Il allait payer pour ses fautes, comme Gilles avait dû le faire aussi. Cela faisait-il de lui une sorte de purificateur ? Non. Le chevalier noir ne se voyait pas ainsi.

Tandis que la fougue du Lion se manifestait une énième fois, lui, tourna son visage vers sa création : ce voile noir couvrait totalement le peu de lumière du dehors, mais, lui aussi ressentait la vie. Il eut un sourire sous le couvert de son masque d'ivoire. Brusquement, sa tête se tourna vers le jeune homme et le combat put reprendre. Ses coups d'épées ne semblaient avoir aucun effet sur le défense érigée par le Saint : soit. Il ne perdait rien de ses mouvements, son regard analysant tout, comme son adversaire le faisait avec lui. Cependant ce coup porté, plus vif que les éclairs fendant les cieux, eut raison de lui. Les bras formant un X, il encaissa comme il put, les ondes électriques dansant sur son corps. Son cœur s'accéléra dans sa poitrine. Chose étonnante : il hoqueta sous l'effet de la surprise avant d'être aveuglé.

Son corps retomba lourdement sur le sol en pierre. Face contre terre, il porta une main sur son visage : il sentit sous ses doigts gantés, une large fissure … Pestant entre ses dents, Gilles ne sut s'empêcher de rire. Un rire éclatant aux alentours, sombre, à la fois désabusé et machiavélique. Son être tout entier se para du même manteau écarlate qu'au début de cette bataille. Mais comme la lumière renaissait, le son du tonnerre couvrit un moment, cette brusque hilarité.

Une brume carmine s'étalait sous les pieds du belliqueux Lion. Avant qu'il n'ait put réagir, le rire de Gilles éclata de nouveau, comme son cosmos. Des points lumineux mouchetaient le rouge apparat du Bourreau, là, il désigna d'une main, Corell du Lion.

«  Subtrahere te ad hostem »

Et il resta là, seul au milieu des ombres tandis qu'un milliers d'étoiles tombaient sur le courageux Saint. Le fourvoyé.

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La parole du Juste, parfois, ne pouvait être entendue. Le Bourreau constatait ce fait dans son intégralité. Ne l'avait-il pas pressenti ? Si, bien entendu. Il ne pouvait en être autrement face à la lumière. Il la revoyait depuis fort longtemps, et, face à sa splendeur éblouissante, le Spectre s'abandonna. Le combat qu'il venait de mener touchait à sa fin. Bien qu'un millier d'étoiles scintillantes retombaient de concert sur le malheureux, il entrevit dans son énergie cosmique, une étincelle, celle que l'on appelait l'espoir. Il comprit son erreur, celle de s'être lancé à corps perdu sans réfléchir dans une cause qui, à l'origine, il trouvait absurde. Cet homme là malgré ses défauts, n'était pas seul. Pas tout à fait.

Seulement, cela ne remettait pas en cause sa Parole. Au commencement était la parole. Et elle serait sienne à tout jamais, sa Vérité. Il espérait avec ardeur que ce Saint là saurait ouvrir les yeux. Ô il le détestait, et sa haine envers ces êtres de lumières n'en serait que plus grande.

Mais le Lion avait tord sur une chose : il ne pouvait pas mourir. Il allait renaître de ses cendres comme le phénix. Il reviendrait. Non pas pour se venger. Mais pour continuer de perpétuer son œuvre, de tenir son rôle de Bourreau.

« Je reviendrais. » dit-il à demi-mot. « Lily, pardonnes-moi. »

Il écarta les bras en croix tandis que les ténèbres peu à peu s'évanouissaient. Dans son œil gris, brilla la clarté de la foudre. Gris, comme sa personne.

Gris, car telle était sa couleur aux yeux de sa protégée. La dernière attaque du Lion eut raison de ses dernières forces : ployant sous ce torrent d'énergie pure, le Spectre, cette étoile terrestre, tomba à son tour. Sa tête retomba sur son torse, son épée quitta sa main dans un tintement sonore. Et il bascula en arrière pour retomber dans un lit de muguets. Un dernier soupir s'échappa de ses lippes. Il avait échoué.

Ses yeux se fermèrent sur le Monde. Il reviendrait … car déjà le Livre de Sang revenait dans les mains du Griffon ...

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