Celsius s'était emporté tant et si bien qu'il n'avait pas senti arriver celle à qui il avait juré fidélité. Athéna était à ses côtés, en chair et en os là où il ne pouvait auparavant ressentir que son cosmos. L'armure des Poissons se mit à luire d'un éclat singulier, une lueur de gratitude à l'égard de celle qui avait ressuscité son porteur. Lui-même se sentait redevable, et ne se fit pas prier pour plier genou à terre. Où avait-il la tête ? Se laisser dominer par ses émotions n'était pas dans ses habitudes, se conduire de la sorte était un affront pour les enseignements de son maître. Cela ne devait plus se reproduire. Pour l'heure, il se laissa subjuguer par la magnificence de cette présence, empreinte de tant de puissance et de douceur à la fois qu'elle lui aurait semblé irréelle s'il n'avait eu ses yeux pour la contempler.

Déesse Athéna...
Je ne sais comment vous remercier. Je serai vôtre tant qu'il me restera un souffle de vie.

Il en avait déjà trop dit. C'était bien suffisant pour qu'elle sache de quoi il faisait mention. Sans son soutien, il n'aurait pas été là pour l'accueillir à cet instant. L'existence qui s'était perdue à la seconde prison ne lui avait été rendue que grâce à la déesse de la sagesse, bien que présentement elle tienne davantage de son attribut guerrier. Le roi des épines attendit qu'elle l'ait dépassé pour se relever avec une lenteur mesurée. Son arrivée, soudaine et inopinée, avait eu pour bienfait de lui remettre les idées en place. Un tel emportement ne lui ressemblait guère. Ainsi avait-il revêtu une nouvelle fois son air impassible, ses traits n'étant plus qu'à l'image de son extrême froideur. Les épines acérées d'une rose démoniaque prirent forme entre ses doigts alors que la chevelure flamboyante de sa déesse disparaissait au loin pour ne plus laisser que lui et son adversaire.

En tête à tête avec la mort pour tenir la chandelle, songea-t-il avec une pointe d'ironie. Avoir l'approbation de sa maîtresse l'avait galvanisé, car cela voulait signifier qu'elle soutenait son bras dans sa quête de réponses. Il avait ressenti en elle une immense tristesse sans en comprendre le sens, mais si son souhait était de voir le Spectre périr, il ferait tout ce qui était en son pouvoir pour l'exaucer. Si elle n'avait pas tenu à en expliciter les raisons, il n'aurait pas l'indiscrétion de les lui demander. Tout ce qu'il savait, c'est qu'il était dans l'intérêt de ce monde et de ses habitants d'abattre ce nouvel ennemi en ne tenant nul compte des liens qu'il avait pu entretenir avec elle. La nature de leur relation l'intriguait, mais ne l'intéressait guère. Si assouvir sa curiosité ne lui aurait pas déplu, il pouvait aussi bien s'en dispenser.

Tu as devant toi Celsius, Chevalier d'Or des Poissons. Caeron de Mephistopheles, je t'ai mal jugé et je m'en excuse. Tu as eu la bonté d'épargner la vie de mes compagnons, mais je ne peux hélas pas te promettre d'en faire autant. Je suis un poison pour tout ce qui vit, et même si tu as déjà connu les affres de la mort tu n'y fais pas exception.

Les ronces envahirent la carrière des avides de leurs épines mortifères, emprisonnant les sphères de pierre dans un prison végétale dont elles ne pourraient se dépêtrer. Le terrain accidenté était à présent sous son contrôle, mais n'avait rien perdu de sa dangerosité. Car s'il était dans son élément, on ne pouvait en dire autant de l'étoile céleste qui serait fort en peine de ne pas s'y écorcher. Et ce n'était certainement pas le Chevalier des Poissons qui irait l'en décrocher. Derrière la sérénité de sa voix se cachait une méfiance justifiée. À l'en croire, ce Spectre avait déjà vaincu un Chevalier d'Or, et si Athéna l'estimait assez pour verser des larmes de le trouver parmi ses ennemis il y avait fort peu de chances pour que ce ne soit qu'un odieux mensonge. Même si ses précédents combats l'avaient sensiblement amoindri, le prendre à la légère serait courir le risque de subir le même sort. Ainsi avait-il pris soin de dicter les règles du jeu. Ainsi, si Caeron pouvait prétendre être en terrain connu, il pouvait désormais en faire tout autant.

La conduite de Caeron piquait au vif sa curiosité. Non pas que Minos lui ait manqué de respect, mais il était resté empreint de suffisance tout au long du combat. Plus humble, le Spectre de Méphistophélès instaurait une atmosphère plus sereine. Ainsi, le Chevalier des Fleurs pouvait aborder le combat en toute quiétude. Qu'il soit si différent de ses pairs le déstabilisait, mais il n'en laissa rien paraître. Quel que soit son caractère, il n'en était pas moins membre de la gent spectrale et ne méritait à ce titre rien de mieux qu'une mort définitive. Celsius se demandait comme un homme d'honneur dans son genre pouvait vendre son âme au nom d'une nouvelle vie. Et s'il en avait en partie expliqué les raisons à la demoiselle d'Asgard, le Gold Saint peinait à les comprendre. Lui-même ne pourrait nullement se résoudre à sacrifier son humanité au nom d'une résurrection qui en plus était soumise à conditions.

Aussi se plaisait-il à croire qu'en dépit de son aspect profondément humain, cet homme devait avoir ses propres pêchés. Qui, sinon lui, pouvait savoir quels pêchés se dissimulaient derrière ce masque de bonté ? Oui, le roi des épines assumait un tel mode de pensée, car c'était ainsi qu'il pouvait le plus facilement se convaincre du bien fondé de sa cause. En dépit de sa foi profonde, le Griffon avait instillé le doute dans son coeur et s'en dépêtrer ne serait pas chose aisée contre un tel adversaire. S'efforçant de garder son calme et d'occulter les paroles perfides du Juge, il ôta son casque afin de laisser sa crinière céruléenne cascader sur ses épaules relevées de dorures. D'autant plus majestueux maintenant que toute sa beauté était mise en exergue, il s'en défit pour n'avoir pas à souffrir de l'encombrement et se mit en garde. Bien que leur croissance soit maintenant achevée, les ronces continuaient de serpenter en tous sens, damasquinées d'épine comme leur maître l'était de son cosmos doré.

J'accepte tes excuses, mais sache que ne je peux me permettre de te laisser la vie sauve. Tu es un ennemi d'Athéna et même si tu ne lui as pas fait obstacle il se peut que ce soit le cas demain. Quels que soient les liens que tu aies pu entretenir avec elle autrefois, je ne les connais pas et n'en tiendrai nul compte. Tu sembles mieux éduqué que tes semblables et je tâcherai de ne pas l'oublier. Je t'offrirai une mort digne de celui que tu as été et la sépulture décente que tu mérites, dans l'espoir que cette fois tu ne t'en relèves pas.

Le parfum capiteux de ses roses envahit l'espace alentours, enivrant, omniprésent. Nul ne pouvait y échapper. Les ronces frémirent à sentir cette odeur familière se répandre jusqu'à en devenir oppressante, renforçant le pouvoir de leur seigneur et maître. Plus les secondes passaient et plus le Chevalier des Poissons semblait gagner en puissance, le charisme souligné par cette senteur accablante. Les roses démoniaques étaient déjà à l'oeuvre, poussant même sous les ténèbres des cieux diaboliques. Eau et soleil étaient ici des denrées rares, mais elles n'en avait nul besoin : s'abreuver de son aura suffisait à pourvoir à leurs besoins. Sa cosmo-énergie s'intensifia et les noeuds acérés tentèrent de s'emparer des membres de Caeron, sans se soucier de les érafler – ou plutôt cherchant à le faire par tous les moyens. Pour peu qu'il ait eu vent de ses pouvoirs comme ce fût le cas de Minos, l'ancien général devait savoir ce qui l'attendait. Néanmoins, son scepticisme à propos du poison qui coulait dans ses veines portait à croire qu'il ignorait tout de ses facultés : la surprise serait totale.

ROYAL DEMON ROSE !

Les roses démoniaques seraient une parfaite entrée en matière. Celsius avait parfaitement récupéré de ses blessures et il était grand temps de mesurer ses progrès. Le combat contre Minos avait été riche en enseignements et il avait eu tout le temps de sa mort pour y réfléchir. Il en sortait grandi, et surtout plus mûr. De par son jeune âge, la maturité était sans doute ce qui lui faisait le plus cruellement défaut, même s'il était indéniablement en avance sur son âge en raison de son houleux parcours. Le rouge vif qui les caractérisait n'était qu'un prélude au sang sur le point de couler, quelle qu'en soit l'origine... Les fleurs écarlates fendirent l'air à vive allure, en quête d'une faille dans le Surplis qui leur permettrait de perforer les chairs. Mais même si elles n'avaient pas cette chance, les vapeurs toxiques qui s'en dégageaient n'en seraient pas moins nuisibles, et le Gold Saint préféra attendre d'en constater les effets avant de poursuivre son offensive.

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Dramaturgie des Lettres




Un instant surpris de voir l'homme qui se présentait devant lui sans son casque, il l'observait dans toute sa splendeur. Il ne l'interrompit pas. Cependant, un sourire amusé se dessina sur l'un des coins de ses lèvres à la simple évocation d'une sépulture décente. Vivre ici était déjà être dans un tombeau, qu'est ce que cela changerait ? Rien pour le Spectre, il n'en avait cure et avait choisi de suivre son destin sans se morfondre dans ses sentiments. Brusquement, le cosmos du chevalier d'or éclata telle une fragrance solaire. Magnificence de la création terrestre, Caeron fixait chaque trait du visage de Celsius. Chaque cheveu voguant dans le vent l'hypnotisait et c'est sa réactivité impulsive qui le sortit de sa léthargie.

Sans bien le comprendre, il évita de justesse une ronce sortie de nulle part. Son bras avait reculé juste à temps pour éviter d'être pris comme une souris dans l'écheveau de ronces qui frappaient autour de lui. Dansant entre les ronces, il garda à quelques millimètres sa liberté. Chaque geste était précis et sensuel. Quelque chose clochait tout de même, si le chevalier d'or avait contrôlé ses ronces correctement, il aurait pu l'endommager sérieusement. Ce qui le marqua en outre, c'est que des petites estafilades sur son corps le fatiguaient sournoisement. Il ne comprit que trop tard la raison de cet état psychique et physique, car à ce moment là, une vague de roses écarlates fendaient l'air dans sa direction.

Quelques roses le frappèrent alors par endroit et il avait envie subitement de se reposer auprès des Dieux. Cependant, ses aiguilles invisibles avaient contrées la plupart des autres roses. Il s'en tirait à bon compte et cette petite prévision venait sûrement de le sauver d'un sommeil éternel. Sous le souffle, son casque avait volé dans un recoin de la prison et ses cheveux vénitiens virevoltaient ainsi dans le vent. D'un oeil attentif, il leva les mains comme une chef d'orchestre et balaya ses aiguilles vers le chevalier d'or. Il n'en avait pas l'habitude encore et c'était assez confus, mais cet essai pouvait être concluant pour le futur. Telles des flèches jouant avec l'espace temps, les aiguilles partirent pour transpercer son ennemi si courtois. C'est de ce bref moment qu'il lui répondit avec calme.


" Chevalier, je te remercie pour ta sollicitude mais je ne pense pas accepter ton offre. Vois-tu, je viens de revenir et je connais suffisamment les basses geôles des Enfers pour ne pas y retourner. En outre, excuses moi de te le demander, pourquoi cette rage dans ton coeur ? Tu ressembles bien à tes roses si superbes et si frondeuses avec leurs épines... Comment un tel homme peut se battre alors que la nature lui a donné un si beau visage ? "

Oui, cette question était superficielle si on ne prenait pas la peine de la lire sous un autre angle. Il voulait vérifier quelque chose qu'il avait détecté chez le chevalier de la Balance lors de sa dernière rencontre. Mais au vu de son état d'esprit, il devait bien tenter de le calmer un peu avant de continuer plus avant dans la conversation. L'Etoile du Commandement n'avait rien du Seigneur Minos mais il aspirait à autre chose que la défense permanente d'un idéal qui allait mourir comme toutes choses dans la vie comme dans la mort. Tout dépérissait, tout était balayé par les vents de l'automne pour laisser la terre se reposer pour l'Hiver. Pensif, il se retourna vers le chevalier des Poissons en faisant apparaître à sa main droite un livre écornée à la reliure verdâtre, d'étranges symboles avaient été gravés sur le reste de la couverture. L'ouvrant, un cosmos azuréen et violacé s'en échappait pour nimber Caeron d'une puissance contenue habituellement.


" Les ordonnances de l'Éternel sont droites, elles réjouissent le coeur ;
Les commandements de l'Éternel sont purs, ils éclairent les yeux.
Ton serviteur aussi en reçoit instruction ;
Pour qui les observe la récompense est grande.
Éternel, mon rocher, ma forteresse, mon libérateur !
Mon Dieu, mon rocher, où je trouve un abri !
Mon bouclier, la force qui me sauve, ma haute retraite !
Il me délivra de mon adversaire puissant,
De mes ennemis qui étaient plus forts que moi.
L'Éternel m'a traité selon ma droiture,
Il m'a rendu selon la pureté de mes mains ;
Oui, voici le premier psaume de la voix des justes ;
Heureux l'homme qui ne marche pas selon le conseil des méchants,
Qui ne s'arrête pas sur la voie des pécheurs,
Et qui ne s'assied pas en compagnie des moqueurs,
C'est pourquoi les méchants ne résistent pas au jour du jugement,
Ni les pécheurs dans l'assemblée des justes ;
Car l'Éternel connaît la voie des justes,
Et la voie des pécheurs mène à la ruine.
C'est ainsi que commence le Liber Psalma !"

Au fur et à mesure de la litanie, les psaumes prirent la forme de phrases violacées qui repoussèrent les ronces et les pétales des roses pour s'engouffrer dans chaque pli de l'armure d'or des Poissons. Comme des tentacules, ils enfermaient lentement le chevalier dans une prison du Verbe et de l'Esprit. Caeron n'avait jamais utilisé cette technique que pour les pêcheurs et les félons, mais là, il devait savoir ce qui se cachait derrière une telle rage. Un crime de ses frères d'arme ? Pourquoi ce chevalier lui donnait une impression de peur au plus profond de lui, les psaumes allaient lui montrer le chemin de la vérité. Fermant les yeux, il remercia Perséphone de lui avoir confier un des deux livres sacrés des Enfers. Si le Balrog était le passé, lui il veillait sur le futur des Ames. Il ne les jugeait point mais tentait de connaître les failles qui les feraient chuté dans ce Monde sans vie.

Qu'il se montre nu-tête était aussi une épreuve à laquelle il soumettait Caeron. Ce dernier avait réussi à ne pas ternir son image et c'était tout à son honneur. Nombre d'hommes qui se prétendaient respectables en ces temps détestables auraient eu tôt fait de critiquer son aspect androgyne. Le Spectre n'avait pour sa part émis aucune remarque, et il l'en félicitait autant qu'il l'en remerciait. Ce silence soulignait la haute opinion qu'il commençait à se faire de son adversaire, et il n'abordait le combat que plus sereinement. Grâce à cette conduite exemplaire, il pourrait faire abstraction des enjeux, occulter le contexte de ce duel au sommet. Ce qui avait causé sa perte dans sa confrontation avec Minos n'était pas tant son inexpérience que sa nervosité. Affronter un Juge sitôt adoubé était un grand honneur, mais aussi une pression qu'il n'avait pas été capable de supporter. La mort avait eu cela de bon qu'il avait pu y réfléchir et connaissait à présent ses propres points faibles. On ne l'y reprendrait plus. Et pouvoir se battre en se vidant la tête de cette éternelle lutte entre le bien et le mal lui faisait le plus grand bien.

Le choix ne m'appartient pas. J'aimerais ne pas être contraint de t'y condamner mais il n'y a nul autre endroit où tu puisses aller après avoir vendu ton âme à Hadès. Même les guerriers de jadis reposent en ces lieux. Je sens les âmes de mes frères qui errent en quête de repos sans pouvoir le trouver, et ce parce qu'il existe des hommes qui comme toi ont trahi leur humanité pour n'être plus que des cadavres animés. D'espoir qu'ils renoncent un jour à leurs convictions, il les condamne à errer pour l'éternité. Il jette l'opprobre sur les braves qui se sont un jour battus pour l'empêcher de régner sur le monde et se meurt de jalousie de ne point les avoir à son service.

Ils n'étaient que deux hommes se battant pour leurs convictions, et c'était dans la victoire qu'éclaterait la vérité. Le plus fort serait celui dont la foi serait la plus inébranlable, et Celsius ferait tout ce qui était en son pouvoir pour que ce soit lui et personne d'autre. Athéna avait dû déployer une quantité de cosmos ahurissante pour le ramener d'entre les morts. Gâcher cette nouvelle vie à peine revenu sur le champ de bataille serait une insulte à sa déesse. Il profita d'ailleurs de ce bref répit pour sonder les environs et mesurer son avancée. Le Chevalier des Fleurs put constater non sans stupeur qu'elle se trouvait aux côtés d'une présence semblable à la sienne, quoique plus noire. La maîtresse des Enfers s'était manifestée, et cela ne présageait rien de bon. Raison de plus pour mettre un terme à ce combat avec panache et pouvoir la rejoindre au cas où elle solliciterait son aide. Le Gold Saint n'aimait pas l'idée de la laisser seule face à son ennemie jurée.

Shion autant que Kyros n'étaient plus assez vaillants pour assurer sa protection en toutes circonstances. Plus pour lui venir en aide si malheur devait arriver que pour toucher au but qu'on lui avait si sommairement décrit, il devait avancer. Avec toutes ces données en tête, le maître des ronces avait du mal à s'entendre penser. Et à peine l'eut-il vidée de ces dérives que la riposte, cinglante, était à l'orée de sa forêt d'épines. Cette dernière se mit en mouvement pour amortir le choc mais n'eut pas le temps de constituer un bouclier suffisamment solide pour qu'il en vaille la peine. C'est à peine si la charge avait perdu de sa puissance quand il la reçut en plein torse, envoyé dans les cordes végétales qu'il avait lui-même tendu. Il avait voulu commencer fort mais Méphistophélès n'était pas en reste et venait de lui en faire la démonstration. Sa force de frappe n'avait rien à envier à la sienne en dépit de son rang inférieur, pas plus que celui de général du Kraken qu'il arborait autrefois n'était usurpé.

Car si sa connaissance des autres camps frôlait le ridicule tant elle était succincte, il était tout de même capable de nommer la plus haute distinction de chacun d'eux, et cet homme aurait selon ses dires porté celle des Marinas par le passé. Les beaux discours de Minos lui revinrent en mémoire. Lui aurait-on fait écouter le même chant des sirènes, auquel il aurait alors succombé ? Le gardien de la douzième maison pensa la question déplacée, et était de toute façon trop occupé à circonscrire la douleur pour la poser. De plus, s'y intéresser lui donnait la désagréable impression de faire montre d'une curiosité malsaine. De s'immiscer dans les affaires d'autrui – celles d'Athéna, en l'occurrence. Son émotivité à la vue de l'étoile céleste n'avait pas échappé à son regard perçant. Or, trop se soucier de ce qui ne le concernait guère menacerait de créer ce rapprochement qu'il s'évertuait à fuir par tous les moyens. Sa loi du silence n'était pas prête de toucher à sa fin, et il ne pouvait donc se résoudre à courir un tel risque.

L'esprit embrumé des visions qui l'avaient ravagé un instant plutôt, Celsius s'estima heureux d'avoir pu y parer à temps. Qui sait dans quel rêve sans fin il aurait pu être précipité sans cette spontanéité, qui lui avait déjà sauvé la vie plus d'une fois. L'éphèbe se passa la main sur le visage pour en chasser les gouttes de sueur, le corps secoué par son souffle saccadé. Nombreux étaient ceux à qualifier le poison d'arme de lâche ou de femme, à le dénigrer pour être né sous la coupe de cet instrument perfide. Mais n'était-il pas plus retors encore de s'efforcer de faire tomber les barrières mentales de son adversaire ? Remis de ses émotions, il se redressa d'un pas encore mal assuré et balaya la prison du regard. Les fleurs et ronces qui avaient battu en retraite revenaient d'ores et déjà à la charge, et les seconder dans cette tâche lui revenait de droit. Le soliloque de Caeron résonnait encore dans ses pensées mais le cosmos l'avait aidé à en chasser les effets pervers, si bien qu'il pouvait dès à présent demander réparation. Et quel meilleur moyen pour y parvenir que de se faire justice lui-même ?

Je n'ai que faire de cette beauté. Elle m'est acquise de naissance, mais je la sacrifie volontiers si tel est le prix à payer pour qu'enfin ceux qu'il retient prisonnier aux confins des Enfers puissent reposer en paix. Je ne me bats pas pour eux car il est déjà trop tard. Mais nous ne pouvons pas oublier. Ici est notre réalité. Si je me bats, c'est pour l'héritage qu'ils nous ont laissé. Oui... Je me bats pour ceux dont ils ont murmuré le nom dans leur dernier soupir. PIRANHAN ROSE !

L'avantage à avoir été mis en difficulté était que le cocon végétal s'était naturellement refermé sur lui, mu par une volonté propre, pour le protéger de ces nuisances. Protégé derrière les remparts de sa forteresse d'épines, c'était à peine si Caeron pouvait y déceler son ombre. Mais bientôt, ce furent des roses noires qui jaillirent de chaque interstice. Pas même l'étroitesse de leur ligne de mire ne les dispenserait de toucher au but. Et tout Gold Saint qu'il soit, Celsius aurait juré ne pas être lui-même en mesure de les éviter... La noirceur de leurs pétales n'augurait que malheur à celui qui en serait victime, et si leur beauté était plus grande encore que celle de leur créateur elles n'en étaient pas moins infiniment mortelles. Les précédentes étaient redoutées pour leur poison, mais la force de celles-ci reposait sur leur capacité de pénétration nettement supérieure à la normale. Leur tige était semblable à la pointe d'une lance, plus froide et tranchante qu'un débris de verre. Ni ses belles paroles, ni son Surplis, ni son amour pour la vie ne le sauveraient.

Rien ni personne ne le pouvait.

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Ivresse dans ce noir océan où l'autre est enfermé




Qui entre dans l'Histoire entre dans le noir. Comme une huile obscur sur son coeur, Caeron ne répondit pas immédiatement à la sentence du chevalier d'or. Il n'avait pas trahi son âme ou son esprit à Hadès, il était au-dessus de ça. Le visage impassible, il épiait les ronces qui dansaient autour de lui dans un menuet macabre de toute beauté. Avait-il trahi son Humanité ? Question qui avait failli le broyer contre le chevalier du Dragon mais les choses étaient plus compliquées dans ce Monde. Les mots avaient leur sens à la condition qu'on les utilise avec attention. Et dans le cas présent, ce chevalier utilisait le mot "Humanité" en n'en voyant que l'aspect le plus pur et le plus éclatant. Pourquoi l'Humanité devait-elle se cantonner à sa part de lumière alors qu'elle vivait aussi avec sa part d'ombre ? Personne ne pouvait le dire, tant le nombre d'individualités répondait à cette question dans un florilège d'indifférence ou de métaphysique sans intérêt. Ce Monde avait abandonnée sa Foi pour être obséder par la raison et la luxure du corps. Le Spectre aimait lire les livres et les nouvelles du Monde vivant, avec une certaine nostalgie peut-être, mais, il ne regrettait pas d'apporter sa "Lumière" dans un monde de ténèbres, c'était un juste retour des choses.

Obsédé par le temps, le serviteur d'Athéna bouillonnait de plus en plus d'abréger ce combat. Il était parvenu à contrer les effets des psaumes avec une volonté démontrant bien son rang dans la chevalerie auquel il appartenait. Cet éclat dans ses yeux, cette rage de vaincre au nom de ses idéaux, firent sourire le serviteur de l'étoile du Commandement. Dans un soubresaut, les ronces se remirent en mouvement pour protéger leur gardien dans un bourgeon d'aubépine. Sa réponse était des plus banales et cela ne surprenait au final, oui, il s'en moquait de sa beauté et sa Foi - la sienne - était le creuset de ce cosmos si délicat. Dans une dernière danse, un nuée de roses noires se faufilèrent entre les traverses des épines pour frapper Caeron. Etrangement, ce dernier ne fit rien pour contrer l'attaque, il resta même debout alors que les roses noires perforait son corps avec une puissance remarquable. Des giclées de sang suivirent cette oraison dans un gargouillis assourdi par les frôlements des ronces sur son corps. Il n'avait rien fait pour contrer son attaque, il l'aurait pu mais ne l'avait pas souhaité.


" Tu es satisfait je pense. Je vais donc pouvoir te répondre, la nature est changeante et l'Humanité s'approche de son hiver. Le temps des empires et des guerres destructrices approchent, c'est pour cela que je me bats, je veux sauver l'Humanité tant qu'on le peut encore. Un sommeil éternel, le jugement des âmes impurs... Cette réthorique est celle de beaucoup de mes frères mais tu ferais une grave erreur en pensant que tous les Spectres détestent l'Humanité. Personnellement, je l'aime du plus profond de mon coeur, mais pour la préserver, je suis prêt à des sacrifices afin de la préserver de cette folie qui va peu à peu la consumer.

Un sourire entendu aux coins des lèvres, Caeron s'abaissa pour prendre une des roses noires tombée sur la rocaille. Observant cette création, il pointa l'une des épines sur l'index de sa main. Un filet carmin s'en échappa alors subitement pour louvoyer sur la tige de la rose. La douleur était forte et il savait que s'approcher de son adversaire ne serait pas évident. Ce cocon le protégeait d'une attaque frontale à priori et même le chevalier d'or pouvait penser que la réaction ne se ferait pas de cette manière. Levant son autre main devant lui, il ramena les aiguilles vers lui pour les fusionner en une superbe rapière d'obsidienne. Alors que les ronces fonçaient une nouvelle fois dans sa direction, il plongea droit devant en fauchant de sa rapière les armes mortelles de son adversaire. Déployant son cosmos à une puissance moindre que la dernière fois, l'aura de l'automne aspirait toute vie pour le renforcer lentement. Son surplice se réparait même de cette force vitale arrachée aux créations des Poissons. Puis, dans un dernier geste, il fendit sa lame dans le cocon pour créer une grande trouée. Cet instant, aux aguets, il vit une ombre dans un recoin et libéra sa rapière en quelques aiguilles pour sortir l'homme de sa tanière parfumée. Etourdi, le spectre bondissait en arrière pour ne pas succomber au parfum empoisonné mais, il en profita pour propulser de son sang sur le front de son ennemi. La marque était posée et ses effets sournois pouvaient commencer leur office.

Atterrissant sur le sol, l'Etoile de Méphistophélès n'avait jamais autant brillé. A part les marques indélébiles des roses noires sur son surplice, rien ne pouvait laisser penser que l'ancien général avait combattu un puissant adversaire. Mais cela était juste le pouvoir de l'Automne dans toute sa splendeur et personne ne serait si les Poissons et l'Etoile Maléfique trouveraient un terrain d'entente dans ce Monde entropique. Il se préparait à lui montrer la prochaine vérité et portait déjà le livre des psaumes à la main. Il allait devenir évident que les choix du Saint seraient importants dans le futur de cette bataille.

Le Roi des Épines était seul maître en son jardin, sans commune mesure avec celui d'Eden. Les roses y poussaient à profusion et les ronces y étaient légions. Nombre de guerriers avaient laissé leur empreinte dans le domaine infernal et cette étendue sylvestre serait la sienne. La troisième prison était entièrement sous son contrôle, et nul ne pourrait rien y faire à moins de lui en faire un cercueil fleuri. Une prison végétale où Caeron croupirait pour l'éternité, même s'il devait s'y enfermer avec lui pour s'en assurer. Sa vie n'avait que peu de valeur et il la donnerait sans hésiter si c'était dans l'intérêt de la planète et dans celui d'Athéna. Pour l'avoir déjà affrontée, il n'avait plus peur de la mort et l'accueillerait avec le sourire si par malheur elle devait le visiter une seconde fois. Oui, si cela devait se produire, il mourrait en chevalier. L'ombre délétère de ses roses meurtrières se refléta dans ses pupilles bleutées alors qu'elles passaient outre la garde sommaire de son ennemi. Rien ni personne ne pouvait arrêter les roses piranhas. Nul n'y était parvenu jusqu'à présent, du moins, et cette terrifiante réputation continuerait de nimber leur couleur noire comme la mort. Leur froideur rendait son regard aussi acéré qu'un morceau de verre, débris de glace planté en plein coeur.

Et c'est de cette vue perçante qu'il dévisageait le serviteur des ombres alors que chair et surplis étaient perforés dans une volée de sang et d'éclats. Sur le sol, l'ondée écarlate. Un coup de maître, mais il ne pouvait se reposer sur ses lauriers. D'entre ses doigts jaillit le fouet d'épines, qui de frappes chirurgicales mais non moins cinglantes fit s'abattre les derniers remparts. Plus aucun obstacle ne les séparait à présent. Même la flore que créait sans discontinuer sa force cosmique avait désempli l'espace pour leur permettre de s'affronter. Bien sûr, les épines étaient toujours là, altérées de sang, ivres de chair... Mais attendaient le moment propice pour fondre sur leur proie et la dévorer afin de se renforcer, encore et toujours. La force de la nature était de son côté, et tant qu'il en serait ainsi il ne pourrait pas perdre. Si une fleur pouvait pousser et s'épanouir même au comble de la désolation, alors rien n'était perdu. Les constellations s'éteignaient une à une dans le ciel, mais tant que la dernière, tant que la sienne subsisterait, il n'y avait pas lieu de s'en faire. Il ramènerait la paix et la protégerait à tout prix, il ferait de son corps un bouclier pour que nul ne puisse plus menacer la légitimité d'Athéna.

Sa satisfaction – nullement apparente – s'effaça dès lors que l'étoile céleste s'empara de l'une de ses roses pour s'en percer la peau. À moins d'entretenir de sinistres penchants, un tel geste ne saurait être dénué de motivation. Aussi se mit-il aussitôt sur ses gardes, et ce qui allait suivre eut tôt fait de lui donner raison. Une gerbe de sang lui fut jetée au visage, si bien qu'il crut aux premiers abords que ce geste avait pour but de l'aveugler. Nenni, puisque pas une goutte n'alla au-delà de son front, seule et unique cible de cette effusion sanglante. La douleur atroce qui le transperça jusqu'à l'âme faillit lui faire perdre pied, mais son esprit fort tint la barre avec fermeté. Et bien qu'il dut serrer les dents pour préserver sa conscience de ces vicissitudes, il était heureux que cet assaut pernicieux aie l'hémoglobine pour catalyseur. Car si les plantes et poisons étaient son domaine de prédilection, il était tout autant versé dans l'hémomancie. Sa voix s'éleva, sentencieuse, alors qu'il luttait pour reprendre ses esprits et contre-attaquer sans autre forme de procès.

Tu fais erreur, Caeron. Le royaume de l'espoir ne connait pas d'hiver. Aussi longtemps que brûlera notre cosmos, nous protégerons la Terre de toutes les intempéries. Personne pas même les dieux ne possède le droit de s'en prendre à l'humanité. Les humains font tous des erreurs, personne n'est à l'abri du pêché, mais ce sont ces maladresses qui les font grandir et qui leur permettent de devenir meilleurs chaque jour. Bien sûr, tous ne sont pas récupérables, mais faut-il tous les condamner ? Il y a encore une lueur d'espoir, et tant que celle-ci ne sera pas éteinte mes roses seront au service de la déesse Athéna. Et si je dois te tuer pour sauver les humains du règne d'Hadès, je le ferai, non pas car tel est mon devoir mais parce que j'en ai fait le choix. En garde, Chevalier ! CRIMSON... THORN !

Les lettres de sang qui lui barraient le front, mais aussi le fruit de chaque plaie se rallièrent à son panache doré. Des aiguilles écarlates ne tardèrent pas à se dessiner à l'entour, encerclant aussi bien le Chevalier d'Or que son vis-à-vis de leur valse macabre. Chaque goutte versée était une arme de plus, chaque blessure était une aide insoupçonnée. Caeron allait à présent devoir l'apprendre à ses cruels dépens. La faiblesse qu'avait voulu lui imposer Méphistophélès n'était plus, réduite à l'état de carburant pour la colère froide qui soufflait dans son coeur. Ses lances vermeilles suivirent ses ordres à la lettre et entamèrent leur valse mortelle dans un silence religieux, fondant comme un millier d'ombres, comme une nuée de présages de morts sur le Surplis ébréché. S'il voulait tant sauver l'humanité, qu'il commence donc par se sauver lui-même...

Citation :

Edit d'Amphitrite : Demande de protection divine validée

Ivresse dans ce noir océan où l'autre est enfermé



Éternel ! conduis-moi dans ta justice, à cause de mes ennemis. Aplanis ta voie sous mes pas.

Attiré comme un papillon par la lumière d'une bougie, la constellation de la Balance s'éteignit dans le ciel. La fin de cette bataille approchait et personne ne pouvait empêcher le rappel des morts dans leurs prisons respectives. Alors que le cosmos du chevalier d'or bouillonnait de plus belle, Caeron ne put s'empêcher de penser au psaume sacré des Humbles et des Miséricordieux dans le Monde. Ouvrant le Livre des Psaumes, il observa les paroles prophétiques de son Dieu sur ce que les Hommes avaient oublié dans leur folie. Ce chevalier avait gardé espoir en l'Homme mais il avait oublié que tout était entropique, il fallait que le cycle des saisons se fassent pour permettre un renouveau nécessaire.

Car il n'y a point de sincérité dans leur bouche ; Leur coeur est rempli de malice. Leur gosier est un sépulcre ouvert. Et ils ont sur la langue des paroles flatteuses.

Alors que le second vers du psaume était chuchoté, les ronces stoppèrent leur élan pour se faufiler dans des trous noirs formés par des lettres de sang autour du spectre de l'étoile céleste du commandement. Comme brûlant de l'intérieur, les ronces s'effondrèrent avec la disparition de toute forme de vie, un étrange sceau kabbalistique se formait alors brusquement sous les pieds du conteur pour le protéger de toute autre attaque de ce style pour quelques secondes. Ses paupières abaissées sur les pages du livre, il était tout entier pris dans sa Foi envers le Sombre Monarque, il lui dévouait alors toute son âme pour être à la hauteur de son rang dans l'armée des Ténèbres qu'il venait de rejoindre.

Alors tous ceux qui se confient en toi se réjouiront. Ils auront de l'allégresse à toujours et tu les protégeras ; Tu seras un sujet de joie, pour ceux qui aiment ton nom.

Les milliers d'épines sanglantes se concentrèrent ainsi sur les pages du livre sacré pour rédiger les prochains vers qui allaient écrire une nouvelle vérité au Spectre. Il écarquilla les yeux à la lecture de ce qui apparaissait grâce aux humeurs bouleversantes du chevalier d'or. Ses prunelles bougeant de droite à gauche semblaient en proie à une peur irrépressible qu'il avait bien du mal à contenir. Alors que la pluie carmine cessait son office, il tourna la page suivante pour lire la fin de la prophétie qui se révéla à lui en cet instant solennel. Un bruit sourd tonna pour finir, le Spectre venait de fermer le livre dans la plus grande circonspection. Puis il leva les yeux vers son ennemi pour lui dire quelque chose mais aucun mot ne parvint à s'échapper au delà de ses lèvres. Abasourdi, il fixa un moment le ciel pour voir une étrange étoile filante traverser le ciel nocturne des Enfers, elle était de ce même rouge carmin que le sang des Poissons.

Car tu bénis le juste, ô Éternel ! Tu l'entoures de ta grâce comme d'un bouclier.

Récitant le dernier vers de la voie des Rois, le conteur ne disait plus rien. Silence. Quelques secondes plus tard, ses iris s'abaissèrent sur le serviteur d'Athéna pour le fixer derechef. Le cosmos du spectre s'affaiblissait lentement pour devenir brouillon. Un autre cosmos était en train de prendre le pas sur le cosmos violacée pour devenir bleu glacial. Aussi froid que les terres nordiques, l'énergie azuréenne gelait les plantes pour les repousser un instant. Le regard de Caeron avait gagné une apparence de force et de pouvoir d'un autre niveau, il devenait l'égal du chevalier d'or en cet instant précis et l'ombre du spectre se gondolait pour prendre une position foetale.

Serrant le poing à intervalles régulières, l'Ecossais était lui même surpris de ressentir à nouveau ce cosmos de la destinée des Marinas. Sans mot dire, il se retourna vers l'homme enfermé dans sa prison de ronces pour les geler en quelques secondes. Avançant tranquillement, des chaînes de glace se matérialisèrent pour frapper les ronces qui s'opposaient à sa progression. Puis, devant la défense végétale, il cessa d'avancer pour joindre le mains vers le ciel. Son cosmos marin prit encore plus de puissance pour être balayer par un cosmos d'une puissance bien supérieure à la sienne, le pouvoir de la Déesse des saisons reprenait ses droits. Dans un dernier effort, il lançait ses derniers mots au gardien de la dernière maison du Zodiaque sacré.


" Pas encore, non, je ne peux le permettre. Je ne peux l'accepter encore une fois. Chevalier des Poissons, il nous faut agir au plus vite... Il vous faut arrêter cette guerre le plus rapidement possible car croyez moi bien, les Enfers tomberont certes mais le sanctuaire terrestre paiera cette infamie de la colère des Dieux de Rome. Perfidie de la déloyauté, je ne peux accepter cela et c'est ton sang qui m'a révélé paradoxalement le futur qui t'entoure. Ce ne sont que des vers mais ils n'ont jamais été aussi clairs. Cela a tellement surpris l'étoile maléfique qu'elle a laissé la marque de Poséidon reprendre ses droits. Mon âme est encore déchirée entre deux royaumes, le chevalier du Dragon a laissé en moi cette force de vous prévenir. "

Fermant les yeux à nouveau, l'ombre du Spectre se libéra de sa douleur pour reprendre son apparence normale. Les dernières brises marines venaient de disparaître pour toujours, le dernier souffle de Poséidon venait de mourir pour donner son ultime message. Le cosmos améthyste du Spectre revint peu à peu à la surface pour déchirer le voile azuréen. Une étoile dans le ciel venait de se consumer pour laisser la place à une autre étoile plus puissante. Quelque chose se réveillait lentement et Diurne était encore étonné de découvrir son nouvel allié de circonstance... Le sceau de l'Automne avait fini de faire disparaître le destin de l'ancien Général de Poséidon dans un dernier murmure assez singulier, comme une prophétie que l'étoile maléfique n'avait pas voulu révéler au grand jour.

Ivresse dans ce noir océan où l'autre est enfermé



Que ta Sainte Volonté, soit que les flots rageurs cessent, et que les fières lames soient calmées. Mène-nous, ô miséricordieux Hadès, au lieu de notre destination en paix et en bonne santé, car seulement ta puissance et ton pouvoir peuvent aider, et tu aideras sûrement en l'honneur et la gloire de ton Nom.

Ce vers tiré du psaume des Rois sortit comme un souffle mortel. Il avait attendu une réaction mais il était resté dans sa gangue de ronces et de roses royales. Prudent, Caeron avait attendu quelques secondes avant d'agir mais il n'avait pas le temps de laisser son adversaire se refaire une santé. Refermant son livre, il le fit disparaître dans un éclair de ténèbres. La non réaction de son adversaire le remplissait toutefois de curiosité, il était manifeste qu'il n'était pas le genre à baisser sa garde ou attendre que les heures passent. Cette simple pensée confirmait ses craintes. D'un geste, il usa de son cosmos pour libérer les roses noires de leur prison de pierre pour les relancer vers son ennemi. Ce geste permit de donner un peu de temps. Aspirant les ombres autour de lui, il libéra des milliers de filaments de phrases sur le chevalier d'or.

Les phrases enveloppèrent lentement le serviteur d'Athéna pour le paralyser totalement. La respiration haletante, l'Ecossais fit quelques pas de danse pour éviter les claquements des ronces sur son passage. Cette situation difficile lui rappelait son combat contre ce Nordique qui avait eut la puissance de l'abattre comme une fourmi. Il avait décidé de changer les choses depuis son allégeance à Hadès, il était maintenant la botte qui écrasait ce genre de fourmi récalcitrante. Un peu surpris de penser ainsi, Caeron s'immobilisa pour regarder un point vide devant lui. Un vertige, une sensation oppressante l'étreignit violemment. Posant un genou à terre, il sentit quelque chose de lourd dans l'atmosphère et des gouttes de sueur perlaient sur son front dans un dédale étrange entre les plis de sa peau. La douleur était inexistante mais présente, il avait l'impression que l'on tentait de lui arracher quelque chose de très intime.


" Que se passe-t-il ? Nox, c'est toi ? Non. Il est parti à l'instant pour reprendre son destin en main. Qui a osé te remplacer pour continuer cette torture ? Qui peut se permettre de dépasser les lois de la grande Perséphone ? Qui, qui qui....

- Une voix noble et rugueuse répondit alors par les lèvres de l'étoile du Commandement. Cruel ? Moi ? Non, ton esprit m'a plu le jour où notre Déesse t'a ramené séant et je comprends pas pourquoi une Etoile si faible te posséderait alors que tu me plais. Les choses sont ainsi, on se ressemble tellement et on embrasse les mêmes lois de l'honneur. Ne dis pas le contraire. Je te suis redevable, Etoile insipide, de l'avoir libéré de la puissance du Dieu des Sept Mers. Maintenant, rien ne peut s'opposer à mon retour... "

- Comment ? "



Dans un râle de douleur, le jeune Sepctre se releva pour quitter le combat. Son cosmos semblait éteint de toute envie de combattre, quand, subitement, une énergie violacée nimba son aura pour l'épouser totalement. Cette atmosphère lourde prit de l'ampleur au point d'aspirer l'essence vitale des roses et des ronces créées par le gardien de la douzième maison du Zodiaque. Brusquement, il se retourna vers le chevalier d'or avec une étrange marque sur le front, symboles de l'Alpha et de l'Oméga. Les deux lettres étaient enchevêtrées l'une dans l'autre dans une harmonie parfaite. Une larme de sang coula sur sa joue quand il mordit son index de nouveau pour tracer à grande vitesse des lettres dans le vide. Elles formèrent à une vitesse prodigieuse des versets sataniques qui plongèrent sur cet ennemi encore immobilisé par les filaments d'ombre.

Les faisceaux de lettre empoignèrent le corps du chevalier d'Athéna pour l'enserrer dans leurs serres. Tels des nuées de serpents de lettres, ils serrèrent leur proie pour lui inoculer un poison mortel qui ferait sûrement son effet dans les prochaines secondes. Caeron était un peu perdu par tout cela. L'Etoile, qui l'avait guidé et sauvé à de nombreuses reprises, faiblissait dans le ciel tranquillement pour laisser une autre Etoile prendre sa place.


Tu peux t'en aller chevalier, tu as fait ton oeuvre, je suis désormais de retour. Poséidon ne s'opposera plus à mes projets et ma véritable incarnation dans ce Monde m'est enfin rendu, combien de corps ai-je testé pour retrouver cette même force d'âme ! Et enfin, mon plan se réalise, l'Etoile du Commandement a donc réalisé son office et je vais bientôt la libérer. Chevalier ! Continues ton chemin, je te laisse en vie car tu as oeuvré pour Hadès à ta manière. Je ne suis pas un homme de déshonneur, alors reprends ton chemin pour défendre tes idéaux ... Tu es une belle fourmi, j'espère faire de toi un jour un de mes myrmidons...

Se retournant, il laissait le chevalier d'or à ses réflexions. Toutefois, sur ses gardes, Caeron avait laissé une pointe de ses aiguilles dans les airs pour parer les assauts de son adversaire. Il fit un pas, puis deux, trois, quatre... en espérant que le saint prendrait cette chance qu'il ne tendrait qu'une seule fois.

À voir son attaque porter dans le vide, Celsius demeura un instant circonspect. Si Caeron pouvait si promptement s'y soustraire, il n'était pas à exclure qu'il soit apte à réitérer l'exploit. Jeter toutes ses forces dans la bataille sans tenir compte de cette éventualité ne servirait qu'à l'épuiser inutilement. S'économiser n'était pas dans ses habitudes, preuve en était de son combat contre Minos qui l'avait vu consumer sa vie pour porter l'estocade. Mais il faisait à présent face à un adversaire qui lui était diamétralement opposé, et ce changement radical se retrouvait jusque dans leurs styles de combat. Les arcanes de Minos étaient d'une fourberie sans borne mais n'en tenaient pas moins du châtiment corporel, là où celles de l'étoile du commandement se révélaient plus subtiles, plus insidieuses. Sa formation se voulait complète, mais il n'avait pas été préparé à essuyer des assauts psychiques. Si solides soient ses barrières mentales, elles ne dureraient pas éternellement. Il devenait impératif d'en finir avant que son esprit ne tombe aux mains de ce Spectre qui, à mesure des coups échangés, témoignait d'une sympathie qu'il n'aurait pu concevoir.

Ç'aurait été mensonge que de dire qu'il y était insensible, mais il était également de son devoir de ne pas se laisser distraire par les ruses du Malin. Néanmoins, il ne pouvait que reconnaître la sincérité de cette attitude et s'interroger sur ses motivations tant il en venait à penser que l'ancien général en était réduit à se battre contre sa volonté. Mais la sienne était sérieusement mise à mal par ses sièges répétés, il eut été fort en peine de connaître le fin mot de l'histoire par ses propres moyens. Son attention déjà amoindrie se relâcha encore davantage quand une dépression se fit sentir aux confins du firmament infernal. La constellation de la Balance venait de s'éteindre, et avec elle un peu plus des rêves et des espoirs que les hommes plaçaient dans ce ciel étoilé. Les symboles qui y brillaient fièrement lors de son arrivée s'étaient depuis lors réduits de moitié et n'étaient plus à présent qu'au nombre de cinq. Plus de la moitié du temps qui leur était imparti pour dénouer la tragédie s'était écoulé, et si les Spectres avaient été contraints de battre en retraite leur capitulation n'avait pas encore été annoncée.

La cosmo-énergie oppressante qui avait parcouru le domaine infernal de fond en comble il y a peu était en train de s'amoindrir grâce aux forces conjuguées des courageux héros qui s'étaient sacrifiés pour la retenir. Celsius pinça légèrement les lèvres, regrettant de n'avoir pu leur venir en aide. Athéna était loin à présent, et même s'il sortait vainqueur de ce duel, nul doute qu'il ne serait plus en état d'assurer sa protection. Le mieux qu'il puisse faire était donc de prendre garde à ce que son antagoniste ne nuise plus jamais à personne, dusse-t-il verser jusqu'à la dernière goutte de son sang pour en avoir la certitude. Quand il réalisa qu'il s'était détaché du combat par inadvertance et sentit le cosmos de Caeron effleurer le sien, il se remit en garde, mais sans doute était-il déjà trop tard pour l'arrêter. À sa grande surprise, le traître à sa cause n'avait pourtant initié aucune offensive. Pire, il semblait abonder dans son sens en vertu d'une vraie nature qui aurait été jusque là réprimée par ses penchants ténébreux. Sa maîtrise de l'aura était encore trop immature pour comprendre le sens de tout ceci, mais il sut en sondant sa cosmo-énergie que son opposant disait vrai. Aussi eut-il le malheur de négliger sa sécurité, mais les ombres revinrent bien vite à la charge.

Tu montres enfin ton vrai visage. Puisque le Mal te ronge, j'utiliserai ces roses démoniaques pour te détruire ! Tu te penses empoisonneur mais tu n'as encore rien vu. Je vais te montrer ce que c'est d'avoir du poison qui coule dans les veines, et j'ose croire que tu comprendras enfin pourquoi je n'ai besoin de personne à mes côtés pour te vaincre !

Sur son ordre, les ronces organisèrent une défense solide et fouettèrent l'air jusqu'à ce que le dévot d'Hadès prenne ses distances. Étrange dualité que la sienne, mais le Chevalier des Fleurs ne pouvait s'y attarder, d'autant plus qu'il se savait impuissant à le guérir de ses maux. Son seul souhait était que la défaite puisse sortir cet homme de bien de la pénombre où on l'avait enfermé et qu'il retrouve ainsi le droit chemin qu'il semblait avoir oublié. En dépit de ses dures paroles, le Gold Saint n'était pas entièrement convaincu d'avoir pris la bonne décision. En s'adonnant à ce discours orgueilleux, il espérait se donner la détermination d'aller jusqu'au bout plutôt que de se soucier du sort de l'astre maléfique. Filant à toute allure entre les nuées scripturales, ses roses fendirent l'air et brisèrent la distance pour mieux en faire de même avec le Surplis de Caeron. Déjà en piteux état, celui-ci n'en avait plus pour longtemps.

En son for, le Chevalier d'Or avait songé que rompre cet étau qui le liait intimement au Roi du Mal le libérerait de son emprise. Une pensée trop naïve pour lui accorder de la pertinence, mais essayer ne lui coûtait rien. Non, il s'était contenté de maquiller une rose ordinaire sous le rouge de son sang qui n'en finissait plus de s'écouler de ses plaies ouvertes sans pourtant lui inspirer autre chose qu'un sentiment de plénitude. Les pétales volèrent en éclats pour libérer un déluge sanglant qui devait perforer Caeron de part en part. Si seulement la profondeur de la plaie pouvait atteindre son âme... Envolée, la peur. Supplantée par celle qu'il ressentait à l'égard de son adversaire, pour le moment. Car il ferait tout pour le sauver de l'obscurité, même si cela devait vouloir dire en payer le prix. Et comme tout un chacun le sait, rien ne s'obtient sans donner quelque chose en retour. Qui mieux que la Mort pouvait acheter la Vie ?

Réponds-moi, Caeron ! Pourquoi as-tu trahi Poséidon ? Pourquoi t'es tu retourné contre ton maître ? Est-ce vraiment ce que tu veux ? Derrière ton masque de bonté et de gentillesse, n'es-tu donc qu'un parjure qui a vendu son âme au Diable ? Tu peux me dire que je me trompe, mais je ne pourrai penser autrement tant que tu ne m'auras pas prouvé le contraire. Bats-toi ! Pas que contre moi, mais aussi contre toi-même ! Sinon, je prendrai ta tête sans hésiter. Celsius des Poissons t'en fait la promesse.

Incrédule, Celsius regarda les constellations s'éteindre dans le ciel. Il n'en restait à présent plus qu'une : la sienne. Et bien que ce ne soit le cas que par l'image, il ne put s'empêcher d'en faire la comparaison avec l'horloge du Sanctuaire. Ainsi, il se voyait dernier rempart contre les forces du mal avant que le portail ne se referme. Il avait l'intime conviction que s'il devait périr au champ d'honneur, tout serait perdu. Comme si malgré la délocalisation de la bataille, les règles en vigueur étaient toujours celles du domaine sacré qu'il défendait désormais. Et pour rien au monde il ne laisserait les Spectres conquérir le symbole de la paix de l'humanité. Pour cela, il devait vivre. Survivre à ce combat quoi qu'il arrive, perdurer après cette Guerre Sainte. Il s'en était fallu de peu qu'il ne disparaisse à jamais et il ne devait son salut qu'à l'amour que lui portait Athéna. À cette pensée, il eut un regard compatissant pour Caeron. Le sombre monarque aurait-il jamais la même bienveillance à l'égard de ses soldats ? Nenni. Les seuls liens qui le rattachaient à eux étaient ceux de l'allégeance, d'une obédience sans faille dictée à ceux à qui il avait prétendument offert la vie éternelle.

Promettre monts et merveilles en échange d'une obéissance éternelle et d'une servitude absolue. Triste destin. Piètre dieu... Le zeste de mélancolie qui s'était distillé au fond de son âme eut cependant tôt fait de disparaître. Si de son sort dépendait celui de ses frères d'armes, il ne pouvait en aucun cas manquer à ses obligations. Il était déjà suffisamment honteux d'avoir perdu la vie contre le Juge du Griffon, et ne voudrait pas se voir jeter l'opprobre une seconde fois. Les enjeux étaient trop grands pour qu'il puisse ployer le genou devant cet adversaire, aussi fort soit-il. Car même si Caeron n'était à ce jour qu'une banale étoile céleste parmi tant d'autres, dans ses veines coulait la force d'un général de Poséidon. Et à l'évidence, sa puissance n'avait pas faibli depuis lors, en atteste l'ampleur des blessures du Chevalier des Fleurs. Celui-ci aurait dû avoir peur, tant de pression aurait effrayé chaque homme. Même si ce n'était pas l'exacte vérité, avoir le sentiment que le sort du monde était entre ses mains aurait dû l'écraser sous le poids de responsabilités qu'il n'avait nullement souhaité avoir.

Mais au contraire, il sentit une indicible fierté s'emparer de lui et apaiser ses maux tant que ses esprits, lui offrir le second souffle dont il avait terriblement besoin pour continuer à lutter. La malédiction pesait sur lui depuis le jour de sa naissance et le condamnait à ne jamais être aimé, et alors ? Si ce sang coulait au profit d'une juste cause, qu'importe qu'il soit frappé d'anathème ! Il en verserait jusqu'à la dernière goutte si cela pouvait avoir un rôle à jouer dans ce conflit qu'il n'avait eu de cesse de vouloir endiguer. Mais pas cette fois. Sa présence était requise sur ce champ de bataille et il n'oserait le quitter tant que le choc de l'acier contre l'acier ne se serait pas tu au loin. Mais en dépit de la confiance qu'il avait à présent en ses capacités, il ne s'en sentait pas moins fourmi dans un monde de géant. Face à la discorde qui était infinie, il n'était qu'une unité. Mais même s'il était seul, la lumière qui brillait en lui était réellement étincelante, aussi allumerait-il son cosmos jusqu'à ce qu'il brûle et explose pour que personne ne puisse ignorer son éclat salvateur. Il brillerait de toutes ses forces si c'était le prix à payer pour laver le monde de ses pêchés.

Cette force de conviction avait de nombreux bienfaits sur sa personne, mais hélas pas celui d'augmenter ses pouvoirs. C'était pourtant ce dont il aurait eu le plus besoin à cet instant précis. Les siens avaient cruellement manqué de temps pour recouvrer leur pleine puissance, et avoir gaspillé une partie de ses ressources dans un assaut voué à l'échec n'aurait pu plus mal tomber. Une erreur de débutant qui lui ôterait fatalement la vie, à moins que la chance ne lui sourie une dernière fois. Celsius enrageait de ne pouvoir faire preuve de plus d'efficacité, et s'étonnait à chaque seconde de la ténacité de ses opposants. Il n'avait, certes, pas été confronté à n'importe qui mais s'attendait néanmoins à ce que son titre de Chevalier d'Or lui confère certaines facilités à vaincre en toutes circonstances. Or, le bilan était nettement moins positif que ce à quoi il se serait attendu alors qu'il vivait encore dans un monde en paix – celui où il n'y avait ni Dieu, ni Chevalier. Pour autant, il ne regrettait en aucun cas d'avoir accepté son destin, car le fuir n'aurait fait que regarder une échéance inéluctable. Même si ce n'était qu'à moindre échelle, il avait obtenu un pouvoir sans limite : celui de croire en lui-même. Car ce n'était qu'ainsi qu'il pourrait faire changer les choses.

Et même si l'avenir s'annonçait tout sauf radieux en raison de sa fâcheuse posture, à aucun moment le désespoir ne put se vanter de l'avoir envahi. Car au fond de son coeur demeurait une lumière aveuglante qui jamais ne mourrait. Subir l'attaque de Caeron n'avait rien arrangé : à présent, le sang s'échappait de toutes parts, coulait à flots et ternissait l'éclat de l'or de son rouge macabre. Contrer les effets nocifs de son attaque n'avait pas été de tout repos, mais était la seule alternative possible à une fin prématurée. Son cosmos se morcelait de toutes parts sans qu'il ne puisse rien retenir, et lui donner une consistance serait bientôt au-dessus de ses moyens. Le Gold Saint des Poissons sentait ses forces le quitter. Pour les mettre à profit avant qu'il n'en reste plus une seule, il fallait agir et vite. Le Roi des Ronces fit alors mine de lever le bras pour saisir une main invisible qu'il serait seul à pouvoir voir dans la sienne. Idéal ou réalité ? Nul ne saurait le dire, sa propre conscience ne tenant plus qu'à un fil, mais toujours était-il qu'une rose blanche apparut entre ses doigts. Un tour de magie pourtant dénué de toute innocence et dont pourrait bien dépendre l'issue de ce duel sans merci. Ses chances de survie étaient minces et il en était pleinement conscient, aussi préféra-t-il les négliger. Si les rôles avaient été inversés, le Gold Saint ne se serait pas privé de porter le coup de grâce, car s'en abstenir aurait laissé à Caeron le loisir de s'en prendre à ses camarades.

Contemple, Caeron... Observe mon sang qui s'écoule. Quand cette Guerre sera terminée, le rouge du sang deviendra le rouge de l'aube. C'est la couleur qui annonce un matin d'espoir. C'est la couleur de ceux qui sont encore en vie. L'hymne aux vivants. Peut-être que l'été qu'a connu l'humanité doit toucher à sa fin et qu'il ne connaîtront plus jamais la lumière mais ce n'est pas à nous d'en décider. Car cette lumière n'est pas pour nous. Me vaincre est inutile car il y aura toujours des passions et des rêves, et que tant qu'ils existeront il y aura des hommes prêts à donner un sens au mot liberté. Frappe-moi en plein coeur si tel est ton désir, mais je ne rendrai pas les armes. Et je te libérerai toi aussi, car le règne de terreur d'Hadès va bientôt prendre fin ! BLOODY ROSE !

Que la chevelure de Caeron ait revêtu un noir de jais nourrissait nombre d'inquiétudes, mais il n'avait de temps à consacrer à aucune d'elle. Celsius menait déjà un combat acharné contre lui-même pour rester éveillé et mener cette collision à son terme. C'était le moment où jamais pour utiliser l'Ultime Cosmos et délivrer Méphistophélès des chaînes de sa nouvelle allégeance. En aucun cas il n'aurait pu avoir connaissance des troubles qui ravageaient l'esprit de son antagoniste, mais la détresse qui transparaissait de sa cosmo-énergie était une raison suffisante pour lui venir en aide. D'une main leste, il fit de cette fleur immaculée sa messagère et l'envoya se ficher tel un trait funeste dans la poitrine à découvert de son vis-à-vis. Avant d'avoir pu atteindre sa cible, elle s'effeuilla tandis que les pétales restants perdaient de leur éclat. Elle réussit néanmoins à toucher au but tout en conservant ses propriétés, mais ses avaries prouvaient que son maître n'y pourrait rien de plus si elle devait échouer. Sa blancheur et ses épines étaient porteurs d'espoir. Mais pas seulement, car elle constituait aussi un lien, un pont spirituel rattachant son âme à la sienne dont il se servit pour projeter la pleine puissance de son esprit vers celui de Caeron. Même s'il n'était que la flamme d'une bougie perdue dans les ténèbres, ce serait peut-être plus qu'il n'en faut pour lui montrer le chemin à suivre.