Prostré en position fœtale, dissimulé dans l'ombre que projetait les hautes ramures des érables rouges, la blancheur d'un corps se voyait souillé par l'épreuve du sang. Tacheté d'écarlate, il se trouvait là, au pied d'un arbre centenaire dont le tronc ployait par le propre poids de ses feuillages argentés, pareils à une longue chevelure. L'une des branches du saule vint alors caresser cette peau d'autant plus pâle qu'elle était soumise à la morsure du froid.
Car oui, après avoir connu lors de sa chute, une once de chaleur, Mashia était désormais plongée dans une torpeur aux notes glacée. La pluie venait de refaire son apparition, redoublait d'intensité tandis que la jeune femme commença à ouvrir les yeux, sentant une goutte d'eau glisser le long de sa joue.
Sa jumelle ainsi qu'une multitude d'autres ne tardèrent pas à suivre le mouvement. Elles lavèrent ce visage sali par la poussière et les blessures, cette lèvre tuméfiée, ces différentes plaies qui mettraient plus ou moins de temps à se refermer... Soudainement, elle fut prise de légers tremblements. Marquant sa lente remontée.
Ses mains s'accrochèrent à la première chose que ses doigts frôlèrent. Sentant la surface irrégulière et rugueuse d'un buste végétal, la jeune femme y trouva une sorte de soutien. Des prises auxquelles se raccrocher dans cette réalité trop insupportable.
Jamais encore elle n'avait eut d'aussi sombres pensées à son égard. Plongée dans la tourmente, elle se voyait progresser dans le noir.

Sous le couvert d'une nuit, dont le manteau d'encre s'ourlaient de nuages bleu cobalt, la silhouette torturée de la Sainte immergea dans la chiche lumière projetée par l'astre du soir.
Elle se laissa choir dans les hautes herbes. Sur sa figure éclairée en clair-obscur, on pouvait lire de nombreux sentiments : la lassitude tout d'abord qui tirait ses traits fins, la tristesse, noyant ses yeux clairs de larmes amers et enfin beaucoup d'autre passant fugacement. Comme l'eau d'une source s'écoulant toute proche d'elle.
Mashia tendit le bras pour l'atteindre. Sauf que trop épuisée, il retomba, en même temps qu'un soupir s'échappa.
Avait-elle le temps de se laisser à somnoler ainsi alors que son maître se battait contre Corell? Notamment qu'il était de son devoir de continuer à garder cette sordide tour. Elle la voyait se dresser à l'horizon, parmi les sapins, insolente alors qu'elle transfigurait le ciel en se issant dans l'immensité du ciel.
Là bas, à son sommet, un combat s'était déroulé : son combat, qu'elle avait gagné. Si la jeune femme en était ressortie victorieuse, qu'elle avait réussit à protéger le sceau de sa Déesse, à vaincre en son nom, ce n'était pas pour autant qu'elle s'en enthousiasmait, bien au contraire. Si la jeune femme avait fait son devoir, ce n'était rien d'autre parce qu'elle croyait en ses convictions, et que c'était avec ardeur qu'elle défendait celle de la Divinité de la Sagesse.
Depuis longtemps, cette dernière guidait ses actions, ses pas et sans elle, Mashia se sentait à l'instar d'une coquille vide. Sentiment qui enserrait sa gorge en cet instant où la solitude régnait en maîtresse incontestée dans son âme meurtrie.
Pour aller à l'encontre de cette sensation, la jeune femme se décida enfin à chasser le brouillard qui s'amoncelait dans son esprit. De nouveau galvanisée par un soubresaut de courage, Mashia finit de s'approcher du point d'eau. L'image de son visage lui fut renvoyée par la surface aqueuse. Sans un mot, elle brouilla cette dernière en plongeant ses mains en coupe dans ce liquide rafraîchissant. Ce contact finit de l'extirper de ses songes.
Lavée des vestiges ayant marqués sa personne, la jeune Mokushi se redressa tout à fait, sentant comme une lueur traversant les ténèbres. Le rythme de son cœur s'accéléra. Aussi, oubliant totalement son épuisement, elle s'élança, se mit à courir comme elle n'avait jamais courut auparavant.
Gagnée de nouveau par ce mauvais pressentiment qui ne l'avait pas quitté depuis son départ du Sanctuaire, la Sainte du Lotus intensifia son cosmos, comme pour se manifester, lancer un appel sans doute vain afin de mettre en garde Athéna...

Sauf que le canevas des Moires ne pouvait être défait.